Je reçois maintenant Le Devoir à la maison. On est cinq colocataires,
étudiant-es pour la plupart, cela ne nous coûte pas très cher, c’est
instructif et très inspirant de lire les lettres d’opinion tous les
matins. J’ai la curieuse impression d’être plus près des gens : je lis
leurs arguments, je m’imagine qu’ils et elles représentent l’opinion
d’une partie de la population. Par exemple, je sais pour qui certaines
personnes vont voter alors que je ne sais même pas si mes colocataires
vont le faire. J’imagine que l’opinion est divisée à l’appartement.
Cela peut paraître bizarre pour certain-es, mais le vote, ce n’est pas
trop dans ma culture. Je ne considère pas cela comme un devoir. Cela ne
m’empêche pas de m’engager dans ma communauté et d’être intéressé par la
politique électorale. En ces temps troubles, qui ne l’est pas ? Je
prévois d’ailleurs assister à un débat entre des membres de Québec
solidaire et des anarchistes en août. C’est sain d’avoir ce genre de
débat, cela permet à des gens qui, comme moi, n’ont pas d’idées toutes
faites sur la prise de position politique à propos de questions
tellement importantes.
Se sentir proches…
J’aime bien les anarchistes en général. Je ressens de l’espoir devant
les idéaux qu’ils et elles portent, car je trouve leurs implications
très concrètes, mais leurs réponses politiques qui sont en processus de
construction constante semblent parfois manquer de pragmatisme aux yeux
de plusieurs. Peut-être que Manon Massé, qui participera à ce débat pour
Québec solidaire, saura me convaincre ?
D’ailleurs, elle est dans mes ami-es Facebook, mais je ne me rappelle
plus très bien comment notre amitié virtuelle s’est nouée, en fait, je
ne la connais pas vraiment. On a 145 ami-es en commun que je ne connais
pas tous et toutes, mais je sais que là-dedans il y a des gens que je
respecte, qui veulent changer les choses et qui ont des idées, des gens
qui vont probablement voter.
Bon, cela ne m’empêche pas de me poser des questions sur le vote, mais
pendant que j’y pense, je pourrais directement envoyer un message à
Manon, peut-être aurait-elle le temps de discuter de ces questions avec
moi.
On dirait que c’est ce genre de sentiment de proximité que j’aime avec
les gens de Québec solidaire, comme Amir Khadir qui participe aux
manifestations de contestations étudiantes et du projet de loi 78 « pour
accompagner son peuple », comme il dit. Cet homme me fait bien rire ;
il y a déjà quelques années de cela, lors de la commémoration de la mort
de Freddy Villanueva à Montréal-Nord, il s’est déplacé sous mon
parapluie avant une marche sous la pluie. On a jasé brièvement, je me
souviens qu’il a fait une blague sur Denis Coderre. Mes ami-es
présent-es, que je qualifierais de plutôt radicaux, trouvaient cela
drôle aussi. Ils m’ont demandé si je le connaissais et j’ai répondu que
pas vraiment. Je lui avais même demandé son nom pour être bien certain
que c’était lui.
Être convaincus et vraiment représentés
C’est que je connais toutes sortes de gens : certains parlent de la
fameuse division du vote, d’autres sont abstentionnistes. Une de leurs
réflexions est que le fait de voter ne change pas réellement les choses
et qu’il faut donc concentrer ses énergies ailleurs que dans la
politique électorale. Un ami m’a également fait part de sa crainte en me
disant : « Tu imagines si l’on vote en masse et que les libéraux sont
réélus, ils vont se sentir encore plus légitimes. »
Il me semble que globalement, ce qui sous-tend ces réflexions, c’est la
très grande question de la conviction. Pour ma part, je n’ai pas la
conviction que la division du vote est une mauvaise chose en soi, mais
parfois, entre vous et moi, je pense tout bas que les libéraux vont être
réélus.
Je sais, je sais, ce n’est pas optimiste, je ne crois pas que ce soit
particulièrement réaliste non plus. Je suis en sociologie, alors moi et
la Realpolitik on repassera, mais je pense que plusieurs personnes en
ont marre des gros partis qui manquent de vision.
Quand je dis plusieurs, c’est relatif, je parle entre autres de ceux et
celles qui ont été très déçus devant la décision du Parti québécois
concernant la représentation proportionnelle, alors que cette question
d’une grande importance était au programme depuis sa fondation. Il me
semble que cette forme de scrutin favoriserait les échanges et les
débats, qu’une plus grande diversité d’opinion pourrait être exprimée,
mais je me dis que c’est probablement plus stratégique pour Mme Marois
d’aller en ce sens pour atteindre et concentrer le pouvoir, le fameux
pouvoir.
Bref, j’irais contre mes convictions en votant pour son parti. Elle
pourra bien sortir son carré rouge quand cela lui chante, cela n’y
changera rien. J’oublie également la Coalition avenir Québec pour des
raisons qui me semblent évidentes. Option nationale me semble plus
intéressant, mon enseignant m’a dit que le chef était un bon gars, il ne
me reste plus qu’à lire un peu.
Faire les choses autrement
Si je vais voter, on pourra bien m’accuser d’avoir divisé le vote, mais
j’aurai voté selon mes convictions. Si le Parti libéral est réélu à
cause de gens comme moi, je penserai peut-être un instant que le Parti
québécois aurait probablement été moins mauvais, mais quelle tristesse
de toujours voter stratégiquement pour éviter le pire, aussi bien ne pas
voter et faire les choses autrement ?
Au pire, je me dis que j’irai prendre un café avec Amir, il doit avoir
des choses à dire là-dessus lui, il doit être occupé aussi ; je suis ami
avec sa fille sur Facebook, je ne la connais pas beaucoup, mais je me
dis que je peux toujours m’essayer de lui demander de nous mettre en
contact.
Bref, à tous mes ami-es et connaissances qui ont déjà leurs idées ou
qui se cherchent encore là-dedans : amenez-vous, il me semble que c’est
le temps qu’on s’en parle en face. D’ici là, je considérerai que par
cette lettre et les réflexions qu’elle pourra susciter, j’ai fait mon
devoir citoyen.
***
Mathieu Sabourin Lévesque - Étudiant en sociologie
Source: Le Devoir
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Mathieu Sabourin Lévesque - Étudiant en sociologie
Source: Le Devoir
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