« Un peuple qui élit des corrompus, des renégats, des imposteurs, des voleurs et des traîtres n’est pas victime ! Il est complice ». Georges Orwell


jeudi 2 août 2012

Lettre d'un ami, citoyen, colocataire et étudiant ...mais qui pense



Je reçois maintenant Le Devoir à la maison. On est cinq colocataires, étudiant-es pour la plupart, cela ne nous coûte pas très cher, c’est instructif et très inspirant de lire les lettres d’opinion tous les matins. J’ai la curieuse impression d’être plus près des gens : je lis leurs arguments, je m’imagine qu’ils et elles représentent l’opinion d’une partie de la population. Par exemple, je sais pour qui certaines personnes vont voter alors que je ne sais même pas si mes colocataires vont le faire. J’imagine que l’opinion est divisée à l’appartement.

Cela peut paraître bizarre pour certain-es, mais le vote, ce n’est pas trop dans ma culture. Je ne considère pas cela comme un devoir. Cela ne m’empêche pas de m’engager dans ma communauté et d’être intéressé par la politique électorale. En ces temps troubles, qui ne l’est pas ? Je prévois d’ailleurs assister à un débat entre des membres de Québec solidaire et des anarchistes en août. C’est sain d’avoir ce genre de débat, cela permet à des gens qui, comme moi, n’ont pas d’idées toutes faites sur la prise de position politique à propos de questions tellement importantes.
 


 Se sentir proches…

J’aime bien les anarchistes en général. Je ressens de l’espoir devant les idéaux qu’ils et elles portent, car je trouve leurs implications très concrètes, mais leurs réponses politiques qui sont en processus de construction constante semblent parfois manquer de pragmatisme aux yeux de plusieurs. Peut-être que Manon Massé, qui participera à ce débat pour Québec solidaire, saura me convaincre ?

D’ailleurs, elle est dans mes ami-es Facebook, mais je ne me rappelle plus très bien comment notre amitié virtuelle s’est nouée, en fait, je ne la connais pas vraiment. On a 145 ami-es en commun que je ne connais pas tous et toutes, mais je sais que là-dedans il y a des gens que je respecte, qui veulent changer les choses et qui ont des idées, des gens qui vont probablement voter.

Bon, cela ne m’empêche pas de me poser des questions sur le vote, mais pendant que j’y pense, je pourrais directement envoyer un message à Manon, peut-être aurait-elle le temps de discuter de ces questions avec moi.

On dirait que c’est ce genre de sentiment de proximité que j’aime avec les gens de Québec solidaire, comme Amir Khadir qui participe aux manifestations de contestations étudiantes et du projet de loi 78 « pour accompagner son peuple », comme il dit. Cet homme me fait bien rire ; il y a déjà quelques années de cela, lors de la commémoration de la mort de Freddy Villanueva à Montréal-Nord, il s’est déplacé sous mon parapluie avant une marche sous la pluie. On a jasé brièvement, je me souviens qu’il a fait une blague sur Denis Coderre. Mes ami-es présent-es, que je qualifierais de plutôt radicaux, trouvaient cela drôle aussi. Ils m’ont demandé si je le connaissais et j’ai répondu que pas vraiment. Je lui avais même demandé son nom pour être bien certain que c’était lui.

Être convaincus et vraiment représentés

C’est que je connais toutes sortes de gens : certains parlent de la fameuse division du vote, d’autres sont abstentionnistes. Une de leurs réflexions est que le fait de voter ne change pas réellement les choses et qu’il faut donc concentrer ses énergies ailleurs que dans la politique électorale. Un ami m’a également fait part de sa crainte en me disant : « Tu imagines si l’on vote en masse et que les libéraux sont réélus, ils vont se sentir encore plus légitimes. »

Il me semble que globalement, ce qui sous-tend ces réflexions, c’est la très grande question de la conviction. Pour ma part, je n’ai pas la conviction que la division du vote est une mauvaise chose en soi, mais parfois, entre vous et moi, je pense tout bas que les libéraux vont être réélus.

Je sais, je sais, ce n’est pas optimiste, je ne crois pas que ce soit particulièrement réaliste non plus. Je suis en sociologie, alors moi et la Realpolitik on repassera, mais je pense que plusieurs personnes en ont marre des gros partis qui manquent de vision.

Quand je dis plusieurs, c’est relatif, je parle entre autres de ceux et celles qui ont été très déçus devant la décision du Parti québécois concernant la représentation proportionnelle, alors que cette question d’une grande importance était au programme depuis sa fondation. Il me semble que cette forme de scrutin favoriserait les échanges et les débats, qu’une plus grande diversité d’opinion pourrait être exprimée, mais je me dis que c’est probablement plus stratégique pour Mme Marois d’aller en ce sens pour atteindre et concentrer le pouvoir, le fameux pouvoir.

Bref, j’irais contre mes convictions en votant pour son parti. Elle pourra bien sortir son carré rouge quand cela lui chante, cela n’y changera rien. J’oublie également la Coalition avenir Québec pour des raisons qui me semblent évidentes. Option nationale me semble plus intéressant, mon enseignant m’a dit que le chef était un bon gars, il ne me reste plus qu’à lire un peu.

Faire les choses autrement

Si je vais voter, on pourra bien m’accuser d’avoir divisé le vote, mais j’aurai voté selon mes convictions. Si le Parti libéral est réélu à cause de gens comme moi, je penserai peut-être un instant que le Parti québécois aurait probablement été moins mauvais, mais quelle tristesse de toujours voter stratégiquement pour éviter le pire, aussi bien ne pas voter et faire les choses autrement ?

Au pire, je me dis que j’irai prendre un café avec Amir, il doit avoir des choses à dire là-dessus lui, il doit être occupé aussi ; je suis ami avec sa fille sur Facebook, je ne la connais pas beaucoup, mais je me dis que je peux toujours m’essayer de lui demander de nous mettre en contact.

Bref, à tous mes ami-es et connaissances qui ont déjà leurs idées ou qui se cherchent encore là-dedans : amenez-vous, il me semble que c’est le temps qu’on s’en parle en face. D’ici là, je considérerai que par cette lettre et les réflexions qu’elle pourra susciter, j’ai fait mon devoir citoyen.

***

Mathieu Sabourin Lévesque - Étudiant en sociologie

Source: Le Devoir 

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