Il commence à y avoir du monde aux balcons d’observation de la société pour tenter de comprendre et d’expliquer ce qui se passe. Tout ce qui pense, juge, conjecture et divague s’y bouscule. Des artistes, des universitaires, des sondeurs, des commentateurs professionnels et maintenant tous les citoyens « ordinaires » branchés en ligne et réseautés.
Le Devoir développait des explications ce week-end. Il se passerait quelque chose du côté de la critique du néolibéralisme en général et de ses effets sur l’université en particulier. On pourrait reformuler l’idée ainsi : après les gaz de schiste ou le mont Orford, voici une nouvelle réaction à la grande marchandisation du monde. Tout ce qui veut durer n’est pas conservateur. À d’autres de juger ce point de vue.
La bonne vieille télé (RDI et TVA) a versé des pièces analytiques au dossier vendredi soir dernier. La chaîne d’info continue de Radio-Canada dévoilait les résultats d’un sondage sur l’impasse, ses causes et ses effets, tout en éclairant la situation à l’aide de reportages et d’entrevues. Bravo et merci !
À hue et à dia
Le philosophe Georges Leroux et le professeur chroniqueur Christian Dufour ont croisé le fer analytique. Le premier a parlé du contexte national et mondial, d’une génération postréférendaire en éveil, du pouvoir politique réel de la rue. Le second diabolisait (encore !) le porte-parole étudiant Gabriel Nadeau-Dubois tout en ramenant les casseroles à une dérive « irrationnelle » à la mai 1968.
À la même heure, à TVA, le commentateur Jean Lapierre avouait un peu son impuissance à bien saisir le mouvement en apparence multiforme. Il y suit aux moins trois fils entremêlés : une profonde lassitude envers le gouvernement Charest ; la désolation face à l’enlisement du conflit étudiant ; un refus global des nouvelles règles entourant le droit de manifester.
Le chroniqueur Richard Martineau évoquait pour sa part une sorte de « révolte culturelle ». Il a répété autrement l’idée samedi dans Le Journal de Montréal en ramenant les parades chaudronnées à une volonté de s’agiter en communautés festives, sans véritable objectif. L’article s’intitulait « Flashe tes lumières », référence condescendante à une pratique insignifiante des fans de l’humoriste Jean-Marc Parent dans les années 1990.
Un je-ne-sais-quoi de paternaliste
Souvent, ce n’est pas le point de vue, mais le ton et le style qui détonnent. Beaucoup de commentateurs professionnels prétendent éclairer ce qui se passe en multipliant les formules insultantes, les jugements sans nuances, avec toujours ce je-ne-sais-quoi de paternaliste.
Martineau, Dufour et Cie ont commencé par multiplier les commentaires hautains et offensants envers les étudiants, traités de jeunes inconscients manipulés par les méchants syndicats ou d’enfants gâtés profiteurs du système. Ils ont ensuite mis l’accent sur les écarts de violence dans les manifestations. Puis, ils ont défendu un recours à la répression croissante avant de hurler au loup anticonstitutionnel quand la loi de l’ordre n’a pas été respectée.
On en serait à la négation des fondements de la société occidentale et rien de moins. Beaucoup de préposés au sens instantané ont traité les manifestants illégaux de dangereux révolutionnaires antidémocratiques. Dans La Presse de la semaine dernière, Mario Roy parlait d’un recul « non pas de quelques décennies, mais de quelques siècles ». Il y voyait aussi « une haine d’une nature inédite, irrationnelle, fanatique à l’endroit des médias traditionnels ».
Une certaine rage
C’est vrai que ça rage fort contre les injurieuses enflures médiatiques dans la rue et les nouveaux médias. Seulement, une hirondelle vulgaire contre la chroniqueuse Sophie Durocher ne fait pas le printemps, même érable.
Dans un texte publié en ligne, intitulé « Nul n’est prophète en son pays », le cinéaste Xavier Dolan a astiqué son clavier pour une fine réponse à la chroniqueuse animatrice Isabelle Maréchal du Journal de Montréal. Tout en expliquant pourquoi il a porté le carré rouge au Festival de Cannes, lui aussi a proposé son explication de ce qui se passe.
« Il est grand temps, je pense, écrit-il, que certains chroniqueurs, journalistes et éditorialistes rétifs investis du devoir d’opinion cessent une fois pour toutes, quelle que soit leur position, dont ils ont la prérogative, […] de traiter les leaders étudiants, et absolument les étudiants eux-mêmes, comme des bums, des fauteurs de trouble, des enfants rois, et admettent, pour en finir avec cet accès de déni, que la crise que le Québec traverse en est une vraie, et une importante. »
Source: Stéphane Baillargeon - Le Devoir
Source: Stéphane Baillargeon - Le Devoir
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