« Un peuple qui élit des corrompus, des renégats, des imposteurs, des voleurs et des traîtres n’est pas victime ! Il est complice ». Georges Orwell


mercredi 5 juin 2013

Le Baingate: un acte politique devenu fait divers

Richard Bain, terroriste

Jean ARCHAMBAULT
Tribune libre de Vigile 
lundi 3 juin 2013

Extrait de son texte Du Pastagate au Baingate


Le consensus médiatique entre les médias francophones et anglophones aura aussi des conséquences sur la représentation de l’acte terroriste commis par Bain, le 4 septembre 2012. Ce consensus permettra de faire d’un acte politique un fait divers.

Dans le cas de Bain, rapidement, les médias traiteront ce geste comme celui d’un homme seul et déséquilibré. Certains médias francophones iront jusqu’à dire que nous étions tous coupables, par notre intolérance pour le geste posé par Bain. Comment peut-on se sentir coupable d’un acte commis par un homme dont les problèmes de santé mentale expliqueraient la totalité du geste ?

Plusieurs questions seront à peine abordées concernant la fusillade du 4 septembre. A-t-il eu des complicités pour permettre à Bain de parvenir jusqu’à quelques mètres de madame Marois ? Bain avait-il un passé d’activiste anglophone ?

Sur le plan politique, on mentionne que l’homme était un fédéraliste engagé et enragé. Il connaît des gens au PLC et au PLQ. Qui est-il ? D’où vient-il ? C’est un silence lourd auquel nous faisons face.

Pourquoi les médias ont-ils très peu fouillé dans la vie de cet homme ? En lisant l’ensemble des faits bibliographiques épars ramassés par les journalistes, j’ai l’impression que cet homme aurait commencé à vivre à partir de sa retraite.

Aucun témoignage antérieur sur son passé entre sa naissance et sa vie dans les Laurentides. L’accusation de meurtre avec préméditation et possession d’armes prohibées font ressortir que Bain a mis en action un scénario pensée d’avance pour arriver à ses fins ; ce meurtre est considéré comme faisant partie d’une préparation et non d’un geste soudain.

Nous allons d’une part faire le tableau des principaux événements de la saga judiciaire et tenter, malgré le manque de renseignements de tracer un portrait de cet homme.



La saga judiciaire

Première comparution de Bain à la Cour du Québec, le 6 septembre 2012, à Montréal chambre criminelle : 16 accusations ont été déposées dont une de meurtre avec préméditation.

Deuxième comparution, le 11 octobre : peu d’éléments nouveaux et une remise en décembre.

Troisième comparution, le 7 décembre : Bain se considère comme un soldat de Dieu. Le juge Robert Marchi demande une évaluation psychiatrique pour savoir s’il est apte à subir son procès.

Quatrième comparution, le 16 décembre : Bain se trouve à l’Institut Pinel et n’a pas subi d’examen psychiatrique ; il refuse d’être interrogé en français par une femme. En outre, le procureur, Me Perreault, doit examiner si Bain est admissible à l’aide juridique. C’est la juge Fafard qui préside à cette audience.

Cinquième comparution, le 11 janvier 2013 : report de la cause pour permettre au juge et à l’avocat de Bain, Me Duclervil de prendre connaissance du rapport psychiatrique. Le juge Braun demande une traduction anglaise pour Bain.

De reports en reports

Sixième comparution, le 18 janvier : la psychiatre Bouchard ne se présenta pas en cour, report au 21 janvier.

Septième comparution, le 21 janvier : des notes d’autres psychiatres ont été reprises dans le dossier préparé par le Dr Bouchard, la défense n’a pas été mise au courant de l’existence de ces papiers, le juge Braun reporte ainsi la cause au 28 janvier.

Huitième comparution, le 28 janvier : le juge Braun déclare Bain, suite au rapport du docteur Bouchard, apte à subir un procès. La psychiatre considère que Bain a une pensée structurée et claire et qu’il ne présente pas de symptôme évident de problèmes psychiatrique. De plus, il ne pourra pas bénéficier de l’aide juridique car il aurait déclaré 36 000 $ de revenus en 2011.

Neuvième comparution, le 20 février : le juge Braun permet à l’avocate de Bain, Me Duclervil, de se désister du dossier. Le juge Braun donne 3 semaines à Bain pour décider s’il demande un autre avocat ou décide d’assurer sa propre défense.

Début de l’enquête préliminaire

Dixième comparution, le 12 mars : début de l’enquête préliminaire. Un dénommé Daniel Sweeney, prétendant être un ex-agent du Service canadien de renseignement et de la sécurité (SCRS), affirme être le porte-parole de Bain et se dit en accord avec les idées du prévenu sur la nécessité d’une partition du Québec. Bain a donné son accord pour que Sweeney le représente.

Onzième comparution, le 3 avril : les partis s’entendent pour faire débuter l’enquête préliminaire en mai. Le juge Braun fixe le 2 mai.

Douzième et treizième comparutions : le 2 et 3 mai. Le juge Pierre-E. Labelle émet une ordonnance de non-publication provisoire sur l’enquête préliminaire. Le juge Labelle répond à plusieurs questions de Bain. Des témoins comparaissent pour décrire la scène du crime. Bain donne au juge un document de 2 pages dans lequel il nomme une quarantaine de personnes qu’il veut entendre.

Quatorzième comparution, le 10 mai : le juge Labelle maintient son ordonnance du 2 mai et l’élargit aux motifs allégués pour soutenir l’ordonnance. Les procureurs avaient demandé une ordonnance de non-publication seulement sur les éléments de la preuve. Même Bain déclare qu’il s’oppose à cette ordonnance. En outre, l’avocat des médias, Mark Bantey, se dit très surpris et considère extraordinaire l’ordonnance du 10 mai, qui inclut maintenant l’argumentaire du juge pour maintenir l’ordonnance de non-publication. De provisoire, elle devient permanente.

Des points d’ombre

Quinzième comparution, le 21 mai : Bain renonce à son enquête préliminaire et ira à son procès à la session d’automne 2013. Les accusations criminelles tombent de 16 à 15 éléments.

Cette saga judiciaire laisse de grands points d’ombre.

Pourquoi le juge Jean-Paul Braun, a-t-il été remplacé par le juge Pierre E. Labelle à partir du 2 mai ? Les journalistes n’ont jamais expliqué ce changement soudain. Tous reconnaissent que le nouveau juge se montre plus sévère avec Bain et le menace de l’exclure de la Cour s’il continue à maintenir des propos plutôt politiques. Ce changement de ton se traduit immédiatement par une ordonnance de non-publication.

Pourquoi cette ordonnance-béton à partir du 2 mai ? Qui est le juge Pierre E. Labelle ? Que veut-on cacher au public ? Nous savons que Bain a été jugé responsable et que sa pensée est structurée, mais il n’est pas contrôlable et peut faire des affirmations qui pourraient embarrasser certains organismes en place.

L’apparition de Daniel Sweeney en tant que porte-parole de Bain lors de la comparution est un autre fait bizarre ? Pourquoi Daniel Sweeney choisit-il ce moment pour intervenir ? Cette personne prétend être un ex-agent du SCRS et un ami de Bain, partageant ces convictions politiques.

L’énigmatique Sweeney

Un journaliste et consultant en stratégie écrit, en septembre 2010, reprenant un article du Vancouver Sun que Daniel Sweeney a été au début des années 80 membre de la Commission des communautés culturelles du Parti libéral du Québec (cette commission existe toujours en sein du PLQ. Cette fonction l’a amené à intervenir en faveur de certaines communautés culturelles.

Intrigué par certaines demandes, il en aurait fait part à la GRC et au SCRS en 1996. Durant au moins deux ans, il était en contact avec certains représentants russes et était, après chaque contact, débriefé par son agent du SCRS.

L’homme n’est donc pas un simple excentrique. Son travail au sein du SCRS et sa nomination à la Commission des communautés culturelles démontrent qu’il a une connaissance de ce monde de coups fourrés. Comment expliquer son apparition soudaine et surtout comment expliquer, par la suite, sa disparition tout aussi soudaine et étrange ?

Exit monsieur Sweeney ! Lui a-t-on fait comprendre rapidement qu’il avait intérêt à se retirer rapidement du dossier ! Encore là, aucune question des journalistes sur cette obscure affaire. Cette histoire me rappelle l’autre concernant Philippe Couillard. Sa nomination, par son ami Porter, le 23 juin 2010 sur le Comité de Surveillance des activités de renseignement et de sécurité (CSARS), dont la principale tâche consiste d’être le chien de garde qui surveille surtout le SCRS nous laisse perplexe.

Le juge Labelle

Que faisait, entre 2010 et 2012 le bon docteur dans le monde des barbouzes ? Il faut reconnaître que le monde politique et le monde de la sécurité nationale ont leurs propres passerelles.

Quant à l’ancien avocat Pierre E Labelle, il a été nommé juge en juin 2009 à la Cour du Québec par la ministre de la justice, Kathleen Weil. Cette dernière fut directrice des affaires juridiques entre 1985 et 1989 d’Alliance-Québec.

Diplômé de l’Université d’Ottawa, Pierre E Labelle avant sa nomination en tant que juge, était le représentant du Directeur du Service des poursuites pénales du Canada (SPPC), bureau régional du Québec. Quelle est la juridiction de ce service créé en 2006 ? Son mandat consiste à mener des poursuites relatives à des affaires relevant du droit fédéral et de fournir des avis juridiques aux organismes d’enquête.

Concrètement, sur son site web, nous pouvons lire ceci, le bureau régional du Québec du SPPC « (…) notre pratique vise surtout des dossiers d’importance dans le domaine de la lutte au crime organisé, du blanchiment d’argent, de l’évasion fiscale et de la lutte au terrorisme. Finalement, le SPPC entretient des liens très étroits avec le SCRS, Notons que nous ne retrouvons aucune trace du passage de Labelle au SPPC.

Ordonnance de non-publication

Le juge Labelle, ancien avocat du SPPC au Québec a certainement travaillé sur des dossiers de sécurité concernant le Québec et sa désignation subite pour mener l’enquête préliminaire de Bain n’est pas fortuite. Dans les faits, le juge Labelle affirme qu’il ne sera pas très patient face aux longues digressions politiques de Bain ?

La confirmation, le 10 mai, de son ordonnance de non-publication nous permet de dire qu’une justice à huis clos dans une affaire politique est le meilleur scénario pour ne pas connaître la vérité !! Soyons clair, en reportant le procès en septembre, Bain ne pourra pas s’exprimer pendant au moins trois mois (s’il ne réussit pas à obtenir de CJAD et TVA d’autres entrevues !!!!), le temps de lui faire miroiter un possible arrangement qui pourrait réduire sa peine en plaidant coupable. Pas de procès, pas de possibilités de fendre l’écran de fumée autour du Baingate.

Un portrait impressionniste de Bain

Qui est Richard Henry Bain ? Il est né le 8 septembre 1950. Il a 62 ans. D’origine écossaise, il aurait vécu dans la région de Montréal. Il a un frère qui vit Hawkesbury, en Ontario. C’est plutôt le néant quant aux renseignements biographiques entre sa naissance et sa retraite prise en 2008. Il aurait été contremaître d’une importante compagnie dans de métaux de l’est de Montréal. Durant cette période, il a vécu à Montréal et Repentigny. Il a décidé, en 2009, de quitter la région de Montréal pour aller vivre à La Conception et Labelle.

Depuis au moins trente ans, il avait des propriétés dans les Laurentides. Entre 2009-2013, il a fondé deux compagnies toutes reliées à son projet d’une pourvoirie avec hébergement : Solution, harmonie, santé et sécurité (2009) et Activités Rick (2010). Son intention était de faire une pourvoirie sur le Lac Wade. Il avait pris sa carte de la Chambre de commerce du Mont-Tremblant. Il fréquentait une église baptiste.

Il était connu pour son fédéralisme extrémiste. Il a été membre du Equality Party de Robert Libman. C’est dans ce parti qu’il aurait rencontré Daniel Sweeney, entre 1989 et 1996. Il est pour la partition du Québec. Dans les derniers mois, il aurait tenté d’entrer en contact avec les médias. Le soir du 4 septembre, il avait l’intention, dit-il, d’empêcher Pauline Marois de s’adresser à ses partisans.

Des éléments troubles

Nous savons qu’il avait voté le matin dans sa région. Écossais d’origine, il s’habille parfois avec un kilt. Il est aussi un amateur d’armes ; selon les policiers, il en possède au moins 25 dont seulement une ne serait pas enregistrée.

A première vue, il est étonnant que les journalistes n’aient pas fouillé la vie de Bain entre sa naissance et 2008. Nous savons qu’il n’a pas d’enfants et qu’il n’a jamais été marié.

Qui est-il vraiment ? Il est troublant de constater que cet homme d’allure spartiate a des comportements qui relèvent d’une fascination pour tout ce que représente l’armée, à plusieurs reprises, il se déclare lui-même « a soldier sent by God » : son goût pour les armes, la possession d’un camion militaire, son engouement pour le kilt qu’il met souvent et sa ceinture qui ressemble étrangement à celle portée par le régiment Black Watch (Royal Highland Regiment). J’en viens à me poser cette question : l’homme a-t- il eu au cours de sa vie des liens avec l’armée canadienne ?

En plus des éléments troubles dans sa saga judiciaire et ses idées politiques extrémistes, son type de personnalité, d’autres faits viennent encore plus me questionner.

Le regard des policiers

Pourquoi le policier qui a amène Bain quelques minutes après les premiers tirs, le dirigeant vers une auto-patrouille, en lui disant à au moins deux reprises « Richard, Richard… alors que le porte-parole du SPVM, dans son point de presse vers minuit, affirme n’avoir aucun idée du nom de la personne arrêtée ?

Comment un homme en robe de chambre, avec 2 armes, une cagoule, des « cocktails molotov » peut-il sortir de son camion qu’il stationne aux Habitations Jeanne-Mance au 150 Ontario E., prendre une rue, par exemple, St-Dominique, et descendre vers le sud, passer le boulevard de Maisonneuve pour s’approcher du Métropolis, situé au 59 Ste-Catherine E. sans être intercepté par des policiers de l’escouade de protection des personnalités de la SQ ou des policiers du SPVM ?

Comment Bain a-t-il pu passer sans aucun problème les cercles de sécurité prévus lors d’événements politiques à haut risque. Avec une campagne très hostile et agressive contre Mme Marois, avec certains commentaires dans les réseaux sociaux qui appelaient au meurtre, il est inexplicable que cet homme ait pu échapper aux forces de sécurité et qu’il ait fallu qu’un homme (Denis Blanchette) paie de sa vie pour l’empêcher de commettre un attentat plus horrible encore ?

Des menaces précises n’ont pas semblé alerter les forces policières. Bain n’était pas à la tête d’un commando d’élites. Il était seul pour commettre cet attentat. Les prises de position de Mme Marois et du Parti Québécois pendant tout le printemps érable ont-elles eu un impact sur le regard des policiers face à ces menaces inquiétantes. Je me garderais un petite gène lorsque les autorités policières se vantent que leur expertise dans le cas du contrôle des troubles sociaux est reconnue à travers le monde !

En outre, au lieu d’honorer Denis Blanchette, les policiers, lors du 14e Gala des Prix policiers du Québec (15 novembre 2013), ont l’idée d’honorer entre autres, les sergents Stéphane Champagne et Jean-Marc Rochon, de la Sûreté du Québec, pour l’arrestation de Bain après qu’il ait déchargé son arme. Selon le journaliste de La Presse, Vincent Larouche, les deux policiers n’en finissaient plus de serrer des mains après la réception de leur trophée !

Faisaient-ils partis de la division de la protection des personnalités de la SQ ?

Conclusion provisoire

Plusieurs lecteurs pourront dire que cette première tentative de mettre côte-à-côte certains faits, liés aux deux événements, ne mène nulle part. Mais il faut aller au-delà des apparences, des silences, des mensonges, pour mieux comprendre des faits qui nous sont présentés comme allant de soi.

Le 4 Septembre 2012 et 19 février 2013 ont une origine commune : un climat social malsain entretenu par des extrémistes anglophones. Les appels à la haine, les déclarations incendiaires faisant du PQ, un parti raciste et fasciste par plusieurs médias anglophones avant même l’élection de madame Marois, ont contribué au climat de paranoïa qui ont incité certains activistes anglophones à poursuivre leur travail de sape et à mettre en place leur propre agenda politique.

Le geste de Bain est le geste d’une personne fanatisée au point de penser que le PQ au pouvoir est une menace directe à ses projets d’avenir mais aussi et surtout une menace directe l’existence même de sa communauté anglophone.

Dans notre société programmée, je ne crois pas que l’effacement de certaines données sur les sites résulte du hasard, comme je ne crois pas que les personnes qui veulent orienter les faits dans une seule direction peuvent tout contrôler. En faisant une enquête serrée sur ce que l’on nous présente comme la réalité, il faut se montrer perplexe et aimer les questions.

Il y assez d’éléments dans le Pastagate et le Baingate pour au moins sonner l’alarme et se faire la mouche du coche.

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Note: Toutes mes excuses auprès de M. Archambault. 


1 commentaire:

  1. Merci, M. Archambault.

    Il était temps que quelqu'un de courageux mette le baingate à l'ordre du jour. Reste à nous désormais de le tenir à bout de bras afin de ne plus l'échapper dans l'oubli.

    May

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