Lise Payette
Le Devoir
28 juin 2013
L’auteur
Frédéric Bastien est professeur d’histoire et il détient un doctorat en
histoire et politique internationale de l’Institut universitaire de hautes
études internationales de Genève. Il a consacré des années à fouiller des
archives, en particulier des documents gardés secrets par le Foreign Office à
Londres. Il peut ainsi reconstruire les luttes, les secrets et les mobiles du
rapatriement de la Constitution canadienne par Pierre Elliott Trudeau, dont
l’objectif était devenu une véritable obsession, qu’importent les moyens
utilisés.
La
bataille de Londres devrait être une lecture obligatoire, parce qu’elle permet
de comprendre à quel point le Québec a été mené en bateau par Trudeau et ceux
qui le soutenaient dans ce projet qui allait bouleverser totalement ce que le
Canada avait la prétention d’être pour les deux peuples fondateurs jusque-là.
Il s’agit ici d’un livre qu’il faut lire avec attention, gravant dans nos
mémoires ce qui nous est révélé et prenant bien la mesure des secrets qui
persistent encore aujourd’hui.
Si
vous voulez apprendre comment on varlope les désirs d’une nation, comment on
réussit des alliances diaboliques pour arriver à ses fins, comment on triche
pour faire à sa tête, vous allez plonger dans la lecture de La bataille de
Londres comme dans un polar qui vous permettra, enfin, de reconstruire le
puzzle d’où le Québec est sorti meurtri et saccagé, à genoux dans la roche
coupante, pendant qu’à Ottawa, en présence de la reine, on sablait le
champagne. Pierre Elliott Trudeau nous a tartinés de son mépris, sans états d’âme,
et ceux qui l’ont aidé à réussir son coup d’État peuvent applaudir au succès de
son entreprise. Ce livre de Frédéric Bastien nous permet de remettre de l’ordre
dans les souvenirs que nous avons gardés de ces années charnières qui ont
redéfini le pacte d’Union de 1867 et qui nous ont laissés exsangues et
terriblement déchirés quant à l’avenir que nous avions dessiné pour nous, les
Québécois.
La
lecture de ce livre est essentielle pour ne pas commettre les mêmes erreurs une
autre fois. Il faut comprendre jusqu’où ceux qui mènent le jeu sont prêts à
aller pour que nous ne soyons plus jamais dupes et que nous soyons surtout
prêts à tout avec une défense qui soit efficace et gagnante. Nous pourrions
alors cesser d’être des éternels perdants avec les conséquences que nous devons
supporter par la suite.
Le
travail de l’auteur Frédéric Bastien est un travail de moine. Il a raconté
lui-même le peu de collaboration qu’il a reçu des autorités canadiennes afin
d’obtenir l’accès à des documents d’archives concernant le dossier qu’il
entendait fouiller pour mener son récit avec clarté et permettre de raconter le
rôle du gouvernement canadien, du gouvernement anglais, de Trudeau, pour qui le
rapatriement de la Constitution est pratiquement une obsession, de Thatcher,
qui a dû avoir souvent envie de l’envoyer promener, des premiers ministres des
provinces canadiennes, du juge en chef de la Cour suprême du Canada, qui en a
mené large malgré le poste qu’il occupait. René Lévesque et ses quelques
conseillers, malgré leurs efforts, n’arriveront pas à stopper le coup de force
d’Ottawa, celui qui nous a fait plier l’échine encore une fois… la centième
fois.
Le
jour, la nuit, des réunions secrètes se tiennent. On travaille à forcer le
Québec à rentrer dans le rang. On joue l’avenir du Québec, sa survie aussi. On
va lui enfoncer dans la gorge, de force, une Constitution dont il ne veut pas
et dont le résultat direct sera l’urgence évidente de protéger tout ce qui fait
sa spécificité comme peuple. Lévesque n’est pas dupe. Ses valeurs vont dans le
sens d’une plus grande harmonie entre nous et d’une plus grande ouverture sur
le monde. Depuis longtemps, il sait que Trudeau et lui ne pourront jamais
s’entendre et que leurs routes se sont séparées.
Qui
fait quoi ? Tout est parfaitement expliqué. Il est évident que tous les coups
sont permis. René Lévesque n’en croit pas ses yeux et ses oreilles. Il finira
par dire, d’une voix émue et brisée, que cette entente qu’il refuse et contre
laquelle il continuera à lutter est une trahison pure et simple. Et il ajoute :
« Ce qui vient de se passer aura des conséquences incalculables pour l’avenir
du Québec et du Canada. »
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Autres liens: http://www.ledevoir.com/politique/canada/383080/le-canada-anglais-et-le-rapatriement-calomnie-quebec-bashing-et-deni
http://www.vigile.net/L-elephant-dans-la-piece,56578
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