« Un peuple qui élit des corrompus, des renégats, des imposteurs, des voleurs et des traîtres n’est pas victime ! Il est complice ». Georges Orwell


dimanche 18 novembre 2012

Les journaux ont-ils été trop partisans pendant le conflit étudiant?

Photo : La Presse canadienne (photo) Graham Hugues
Le Centre d'étude sur les médias a analysé la couverture journalistique du confit étudiant (ici, une des grandes manifestations du conflit, celle du 22 août).


L’impression se confirme. Le Devoir appuyait les étudiants en grève tandis que les autres quotidiens de Montréal les traitaient défavorablement.

Selon une étude universitaire dévoilée ce samedi matin, les textes diffusés par Le Devoir ont été globalement plus favorables au mouvement étudiant contre la hausse des droits de scolarité pendant le conflit du printemps par rapport au traitement proposé par les trois autres quotidiens de Montréal. Le Devoir a aussi publié des reportages et des commentaires beaucoup plus critiques à l’endroit du gouvernement.

Par contraste, Le Journal de Montréal (JdeM) et The Gazette ont fait preuve d’un négativisme à peu près semblable à l’endroit des étudiants en grève tandis que La Presse affichait une orientation négative moins marquée. Ces trois journaux ont aussi été critiques du gouvernement, mais dans une moindre mesure.

Ces conclusions ressortent d’une étude sur l’orientation de la couverture médiatique du printemps étudiant exposée et débattue en ouverture du congrès annuel de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ), qui se tient samedi à Saint-Sauveur. Cette association sectorielle est celle qui rassemble le plus de membres au Canada.

L’étude a été réalisée par le Centre d’études sur les médias (CEM) de l’université Laval. D’autres volets suivront dans les prochaines mois, notamment sur les sujets traités, le traitement de l’info à la télé et les panels d’experts qui se sont prononcés pendant le conflit.

La première analyse quantitative porte sur l’ensemble du contenu touchant le conflit publié entre le 13 février et le 23 juin derniers, à l’exception des photos, des caricatures et des titres de la une. Au total, l’enquête a classifié près de 4000 textes. Le Devoir a consulté une présentation «power point» fourni par le CEM.

La méthodologie identifie des protagonistes : le gouvernement qui voulait augmenter les droits de scolarité; les mouvements étudiants pour et contre la hausse; et dans ce dernier cas, les quatre associations militantes (CLASSE, FEUQ, FECQ et TaCEQ).

Un indice synthétique d’orientation très simple détermine le traitement qui leur était accordé par les articles. Cette grille prévoit quatre possibilités de pointage : l’article est très favorable (+ 2 points) ou favorable (+ 1 point); l’article est très défavorable (-2 points) ou défavorable (-1 point).

«Un indice positif traduit, globalement, un appui à ce protagoniste, résume le document du CEM. Plus l’indice est élevé, plus l’appui est important. Un indice négatif traduit, globalement, une opposition à ce protagoniste. Plus l’indice est élevé, plus l’opposition est importante.»

Sur cet axe d’orientation, le zéro signale un équilibre parfait. Selon cet indice, Le Devoir obtient un score de + 113 pour l’orientation de sa couverture du mouvement étudiant contre la hausse. La Presse se situe à –125, The Gazette à –241 et le JdeM à –243. D’où cette conclusion que l’on peut répéter : Le Devoir appuyait les étudiants en grève tandis que les autres quotidiens de Montréal les traitaient défavorablement.

La tendance s’inverse pour le traitement du gouvernement avec cette fois –312 pour Le Devoir et –49 pour The Gazette. Le JdeM et La Presse sont dans la même lignée avec respectivement –125 et –156.

Évidemment, l’exercice quantitatif repose sur une analyse subjective. Le CEM précise que «orienté» ne signifie pas «biaisé ou contraire aux règles journalistiques».


Voici d’autres faits saillants de l’enquête :

Les quotidiens québécois ont publié à peu près le même pourcentage d’articles jugés neutres par rapport aux différents protagonistes du conflit étudiant. Le Devoir et le JdeM affichent un score semblable de 78% d’articles neutres pour la nouvelle, le portrait et  l’entrevue. La Presse monte à 82% et The Gazette à 84%. La moyenne du groupe se stabilise à 81%.

L’écart se creuse avec les chroniques et les éditoriaux. Cette part de la production du JdeM est jugée neutre un coup sur quatre (25%), à 27% dans le journal anglophone, à 32% dans La Presse et à 36% dans Le Devoir. Les chroniques seules du Devoir seraient neutres dans 39% des cas. The Gazette se démarque avec des textes d’analyses jugés neutre à 89% tandis que la moyenne francophone baisse à 62%.

L’orientation des chroniques du Journal de Montréal s’avère la plus défavorable à l’endroit du mouvement étudiant contre la hausse, et de loin, avec un indice de –157. The Gazette se situe à –77, La Presse à –39 et Le Devoir passe au noir avec + 18. 


Par contre, le JdeM affiche un score parfaitement neutre (0) pour ses nouvelles. Ce journal est donc à la fois le plus «objectif» dans le reportage et le plus «subjectif» dans le commentaire. La Presse se situe à –11 dans la nouvelle, The Gazette à – 14 et Le Devoir à + 28, ce qui en fait encore une fois le seul journal à passer dans le camp des grévistes.

L’orientation du traitement du gouvernement donne des scores beaucoup moins contrastés avec cette fois le JdeM (-39), La Presse (-32) et Le Devoir (–39) nez à nez pour la nouvelle et un peu plus différenciés pour le commentaire, soit –27 pour le  JdeM, - 63 pour La Presse et –77 pour Le Devoir.  The Gazette a presque équilibré son traitement de l’État avec –2 en chroniques et aux éditoriaux.

L’orientation varie en intensité selon le type d’auteur, les chroniqueurs et collaborateurs externes (y compris les auteurs des lettres d’opinion) semblant plus marqués que les journalistes. Au Devoir par exemple, l’orientation défavorable au gouvernement (- 312) s’explique en bonne partie par la virulence des tiers (-196) par rapport au traitement de la salle (-116). De même au JdeM, les chroniqueurs et autres donneurs d’opinion étaient plus orientés (-152) que les auteurs journalistes (-91). 


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire