Photo: Pierre Bona / CCLa conduite secondaire du pipeline de TransCanada qui doit permettre de transporter du pétrole jusqu’à Montréal traversera cinq cours d’eau, dont la rivière des Mille Îles. |
Le pipeline Énergie Est risque de devoir traverser pas moins de 256 cours d’eau au Québec, révèle une analyse menée par la Fondation Rivières et obtenue par Le Devoir. Cette première compilation indépendante indique également que plus d’une centaine d’entre eux sont de moyenne ou de grande taille.
La liste des cours d’eau dénombre un total de 70 rivières qui seraient traversées par le pipeline d’un mètre de diamètre. À cela s’ajoutent quelque 185 ruisseaux ainsi que le fleuve Saint-Laurent, selon le tracé préliminaire élaboré par TransCanada.
Ce tracé devrait être modifié au cours des prochains mois, en raison de l’abandon du projet de port de Cacouna et de la possibilité que ce port d’exportation de pétrole des sables bitumineux soit construit ailleurs sur les rives du Saint-Laurent.
La portion du tracé qui va de la frontière ontarienne au secteur de Lévis ne devrait toutefois pas subir de modifications. Cela signifie qu’un total de 1,1 million de barils de pétrole traverseront chaque jour une cinquantaine de rivières dans cette seule portion. Si on ajoute à cela les ruisseaux franchis par le tuyau, on compte au moins 160 cours d’eau.
Parmi ceux-ci, on compte les rivières majeures suivantes : Outaouais, des Mille Îles, des Prairies, Mascouche, L’Assomption, Maskinongé, Yamachiche, Saint-Maurice, Champlain, Batiscan, Sainte-Anne, Portneuf, Chaudière et Etchemin. Sans oublier le fleuve Saint-Laurent. Dans ce cas, le pipeline doit traverser en plein coeur de la réserve naturelle des battures de Saint-Augustin-de-Desmaures.
La conduite secondaire qui doit permettre de transporter du pétrole jusqu’à Montréal traversera cinq cours d’eau, dont la rivière des Mille Îles et la rivière des Prairies. L’autre conduite secondaire vers Lévis traversera elle aussi un total de cinq cours d’eau, dont les rivières Pénin et Etchemin.
Traverses risquées
Une étude commandée l'an dernier par TransCanada et rendue publique par Le Devoir en décembre 2014 révèle par ailleurs que pour la portion du pipeline qui sera construite sur la rive nord du Saint-Laurent, on compte pas moins de 19 cas où le passage d'un cours d'eau se fera dans une zone présentant des risques évidents de glissements de terrain en raison de l'instabilité des rives. L'étude, menée par la firme Golder Associates, conclut en outre que sur la rive sud, la région de Lévis compte un total de six zones où les cours d'eau traversés présentent des risques connus de glissements de terrain.
Dans certains cas, les traversées proposées ont également soulevé des questions quand aux moyens techniques pour les réaliser. C'est le cas du fleuve Saint-Laurent, mais aussi des rivières des Outaouais et Batiscan. Selon ce qu'a indiqué TransCanada plus tôt cette semaine, des travaux doivent d'ailleurs être menés au cours des prochaines semaines, dont des forages, afin de préciser la façon dont le pipeline les traversera.
Pour enfouir un tel tuyau dans le sol au moment de franchir un cours d’eau, il existe trois méthodes. Dans le cas d’un ruisseau, on peut creuser une tranchée et y déposer le tuyau. On peut également réaliser un « forage horizontal directionnel » et y faire passer le tuyau. Dans le cas des grandes rivières et des fleuves, un tunnel en béton peut être construit sous le lit.
Québec fautif
Pour la Fondation Rivières, le gouvernement du Québec manque à ses obligations en matière environnementale dans le dossier des franchissements de cours d’eau. « Les enjeux liés aux constructions en rivière sont multiples et des mesures de sécurité exceptionnelles s’imposent compte tenu des risques et des conséquences qu’aurait un bris de conduite », fait valoir Geneviève Marquis, vice-présidente de l’organisme et spécialiste en hydrologie et dynamiques sédimentaire et morphologique des cours d’eau.
Or, affirme-t-elle, la formule retenue pour l’étude du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) ne permettrait pas une évaluation exhaustive des risques. Le gouvernement a en effet décidé de procéder même s’il n’a pas en main d’étude d’impact du promoteur, ce qui est habituellement la façon de faire avec ce type de projet d’envergure.
« Un BAPE dûment mandaté dans le cadre de la procédure réglementaire d’évaluation et d’examen des impacts sur l’environnement aurait obligé le promoteur à soumettre ses méthodes de construction, à répondre aux questions du public et à améliorer la prise de décision du gouvernement québécois quant aux méthodes de construction à être utilisées », souligne Mme Marquis. Ce ne sera pas le cas avec le projet Énergie Est, selon la Fondation Rivières.
En plus des cours d’eau, le pipeline traversera de nombreux secteurs agricoles et le territoire de plusieurs dizaines de municipalités des deux rives du Saint-Laurent. Selon une recension non exhaustive du Devoir, des municipalités régionales de comté (MRC) représentant au moins 75 municipalités rejettent le projet Énergie Est ou exigent une évaluation environnementale du Québec.
Ce pipeline conçu pour répondre aux besoins de l'industrie pétrolière albertaine transportera plus de 400 millions de barils de brut chaque année en territoire québécois, sur une distance d'environ 720 kilomètres. Avec le transport de plus d’un million de barils par jour dès 2020, Énergie Est fera du territoire du Québec un élément clé dans l’exportation du pétrole albertain. Grâce ce projet, le plus important du genre en développement en Amérique du Nord, plus du tiers de la production des sables bitumineux passera en sol québécois d’ici cinq ans.
Source: Le Devoir
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