André Vincent
Vigile.net
jeudi 3 mai 2012
Ça fait combien déjà ?
Longtemps en tous les cas, 25 ans je dirais — minimum. Vous étiez
alors dans le communautaire, soit de l’association coopérative
d’économie familiale de l’ACEF centre.
J’en parle d’entrée de jeu afin de vous remettre dans le contexte de
l’époque, et si vous souvenez bien, vous étiez aussi membre d’une autre
coopérative, celle-là d’habitation, que nous nommerons ici la coop P. si
vous le voulez bien, vu que c’est en mon nom personnel que je prends la
peine de vous écrire.
Non mais ça passe, pas vrai Line... je parle du temps. Nous étions
alors jeunes et beaux, la tête avec un brin des restes de fleur power,
pleine de projets, mais toujours avec chaleur humaine, de bon goût des
autres. Enfin... on va quand même pas tomber dans la nostalgie toi et
moi et puis, faut bien devenir adulte un jour... non ? On ne peut quand
même pas rester jeune et beau et pur et indépendantiste toute sa vie,
non, oui ?
Peut-être ? À vrai dire, Line-la-Ministre, cela fait un moment que
j’ai envie de vous écrire à toi et puis... tu sais comment c’est, on se
dit finalement à quoi bon, elle ne se souviendra même pas. Et puis c’est
impressionnant une ministre tu sais, alors on n’ose pas.
Or, en ce matin de premier mai, j’ai lu une lettre dans le courrier
des lecteurs du Devoir et... comment dire, j’en ai été bouleversé,
choqué même, dans le sens français de France du terme, avec tout plein
de questions dans ma tête après. C’est d’ailleurs à partir de la lecture
de ce texte que je me suis enfin décidé à vous écrire.
C’est que dans cette lettre tu vois, intitulée Conseillers budgétaire contre les hausses,
lettre signée par 42 conseillers ACEF pas moins, (j’ai pris la peine de
compter) — dont certains ex-collègues à vous probablement — il est dit
des choses troublantes. Comme par exemple que...
« ... Cela fait des années que nous réclamons aussi que tous fassent leur juste part ! Enfin, le sujet est sur la table ! Quoi ? C’est aux étudiants que l’on demande de contribuer davantage, et ce, alors qu’ils ont déjà subi une hausse de 30 % de leurs droits de scolarité depuis 2005 ? C’est à tous les citoyens gagnant plus de 14 000 $ à qui l’on demande une juste part au moyen d’une taxe santé de 200 $ par personne ? C’est par une taxe à la consommation augmentée de 2 % en deux ans et non modulée en fonction des biens achetés que l’on espère remplir les coffres ?... »
Ou alors : « ...Qu’apprend-on en parallèle ? La taxe sur le capital est abolie, même pour les entreprises financières ! Les impôts des entreprises sont diminués au fédéral ! Les entreprises pharmaceutiques déménagent et licencient des milliers de personnes malgré les avantages fiscaux qu’on leur offre ! On continue de payer nos médicaments 38 % plus cher que la moyenne des autres pays de l’OCDE ! Or nous, conseillers budgétaires travaillant dans des organismes communautaires présents aux quatre coins du Québec depuis 45 ans, disons NON ! C’est assez ! Nous affirmons, encore et encore : il y a d’autres solutions !... »
Puis ils rajoutent : « ... Lâchez les matraques et cessez les manœuvres indignes de vos fonctions... ».
Quand même, chère Line-la-Ministre, c’est pas rien quand on y pense !
Je lisais ça et je me demandais comment tu te sens dans ton fond quand
tu lis pareilles choses de la part de tes ex confrères ? Tu n’aimerais
pas mieux cette gang-là plutôt que de devoir aujourd’hui faire du
financement « sectoriel » avec celle de tes nouveaux copains de
copinage, — que tu jures la main sur le cœur ne pas connaître et même
que si tu l’aurais su, t’aurais pas venu !
Pathétique... non ? C’est pas une vie ça Line, pas une vie vraiment.
En ce qui me concerne, chère Line, ce que je me demande depuis toujours
c’est : Non mais faut-tu vraiment se salir les mains à ce point pour
grimper l’escalier de la reine ? Faut-il descendre aussi bas pour
grimper l’échelle du pouvoir ? Tu connais peut-être ces mots de
Ronsart :
« Ce n’est pas le rince-doigt qui fait les mains propres
ni le baise-main qui fait la tendresse... »
Désolé Line si dans cette lettre je me suis un peu mélangé entre le
toi et le vous, mais tu sais vous, on a été proches voisins quand même
et te voilà ministre ; imagine un peu, tu demeurais au 21 et moi au 13
alors.... et malgré qu’on ait pas été ami-ami vraiment, reste qu’on
s’est côtoyés à plusieurs reprises, dans les escaliers, lors de
meetings, sur la rue, au métro du coin... Présentement dans ma tête,
j’écris à une ministre et à une ex membre de ma coop en même temps, tu
comprends, et en plus, il ne m’en faut pas beaucoup pour me mélanger —
sauf pour l’indépendance de mon pays bien sûr. Ça c’est pas touche.
Eh ! c’est ça qui est ça ; je n’ai pas changé comme tu vois, vieux
jeans vieilles godasses... le coeur à gauche. Dernière chose : tu te
rappelles quand tu es déménagée avec Claude, c’était au petit matin, de
printemps je crois bien, (faudrait que je vérifie dans les vieux procès
verbaux) ; tu es partie à l’aube comme une voleuse, sans en parler à
personne, et sans même payer ton loyer. C’est quand même pas bien ça
Line-la-Ministre. Remarque que je ne t’en veux pas pour le loyer vu que
dans ce temps-là, j’ai fait ça moi aussi, mais qu’avec des proprios
ripoux faut dire (on est pas des salauds), genre collecteurs de fonds du
Parti Libéral... ou alors entrepreneurs avec un beau grand bateau
blanc...
Et pourtant, chère Line-la-Ministre, tu es bien placée pour savoir
que dans une coop, ce sont les autres membres qui ont dû payer ta note.
Mais bon, on efface le tableau si tu veux bien, et j’espère qu’il en
sera de même de ton côté. Mettons que c’est ma façon à moi de contribuer
au débat étudiant et que je n’ai pu m’empêcher... Après tout, on a été
membres de la même coopérative d’habitation... non ? Je dis ça parce
que je ne voudrais pas me retrouver avec une mise en demeure dans ma
boîte à malle demain matin.
Il est vrai que par les temps qui courent, des mises en demeure... il
en pleut à la tonne par chez vous ; c’est comme qui dirait un premier
réflexe de défense quand les gazettes se mettent à causer de petits
déjeuners siciliens.
Remarque que de te regarder aller depuis un bon moment, plus rien ne
me surprendrait de ta manière. Et puis... on a bien dû t’apprendre au
cours de ta longue et plantureuse carrière que les vauriens n’ont pas de
prix.
Tout comme la liberté.
André Vincent
président fondateur de la coop P.
***
Merci M. Vincent. Votre lettre tombe on ne peut mieux, en ces temps qui courent. N'a même pas eu le temps de sentir les boules à mites. C'est pour dire. Merci encore.
président fondateur de la coop P.
***
Merci M. Vincent. Votre lettre tombe on ne peut mieux, en ces temps qui courent. N'a même pas eu le temps de sentir les boules à mites. C'est pour dire. Merci encore.