« Un peuple qui élit des corrompus, des renégats, des imposteurs, des voleurs et des traîtres n’est pas victime ! Il est complice ». Georges Orwell


samedi 12 avril 2014

Le fils prodigue

Michel David
Le Devoir 
12 avril 2014


Certains semblent avoir découvert avec surprise que le PQ et le projet souverainiste n’avaient plus la cote chez les jeunes. Cette désaffection ne date pourtant pas d’hier, même si la charte de la laïcité a encore aggravé le problème. La brève alliance avec les carrés rouges a été simplement une parenthèse.

Il y a dix ans, un trio de jeunes députés péquistes, surnommés « Les trois mousquetaires », Alexandre Bourdeau (Berthier), Jonathan Valois (Joliette) et Stéphan Tremblay (Lac-Saint-Jean), en avaient déjà fait le constat au cours d’une tournée qui les avait conduits dans 25 villes situées un peu partout au Québec.

« Ce que nous avons vu bouscule, choque et assomme », avaient-ils écrit dans l’introduction du rapport qu’ils avaient rédigé. Aux yeux des jeunes, la souveraineté était une idée « dépassée, désuète et vétuste » et ils ne voyaient pas en quoi la souveraineté pouvait apporter une solution concrète aux problèmes de la société québécoise.

Déjà, la dimension identitaire du discours péquiste faisait problème. Il n’était pas question de laïcité à l’époque, mais les jeunes se montraient clairement agacés par la fixation péquiste sur la langue et la survie du peuple québécois, alors qu’eux-mêmes se préoccupaient plutôt d’environnement ou de mondialisation. Au total, le débat sur l’avenir du Québec leur apparaissait « bien accessoire et trivial ».

Connaissant bien le PQ, dont ils soulignaient le vieillissement avec insistance, les trois mousquetaires ne se faisaient cependant aucune illusion sur le sort qui attendait leur rapport. « On préfère croire que la jeunesse est tournée sur elle-même plutôt que de considérer que les problèmes existent peut-être dans nos structures et dans notre parti. »

Aussitôt rendu public, le rapport a pris le chemin des tablettes. Cette participation à la « saison des idées » a été jugée non pertinente. Malgré la clarté des témoignages recueillis, on a décrété que la pensée des jeunes avait été mal interprétée. Devant le conseil national, Jonathan Valois a dû se livrer à une séance de patinage assez gênante visant à banaliser ces irritantes observations et on s’est empressé d’oublier l’incident.

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En septembre 2004, c’est Pauline Marois qui avait attiré mon attention sur ce document dont personne n’avait remarqué la présence sur le site Internet. Elle avait même poussé la gentillesse jusqu’à m’en faire porter une copie à la maison. Elle gardait un oeil sur la succession de Bernard Landry et n’était pas mécontente de lancer ce pavé dans la mare, mais elle se disait sincèrement préoccupée par ce qu’elle avait lu.


Après avoir finalement réussi à devenir chef du PQ, elle n’en a pas moins remis résolument le cap sur le discours identitaire dont André Boisclair s’était nettement distancié, avec l’intention bien arrêtée de récupérer les électeurs nationalistes qui s’étaient tournés vers l’ADQ, puis la CAQ.

Depuis lundi, c’est à qui se dissociera le plus de la charte de la laïcité, que tous défendaient pourtant bec et ongles. Même Bernard Drainville assure qu’en définitive il aurait fait les compromis nécessaires pour conclure une entente avec la CAQ. Cela accrédite la thèse voulant que le PQ ait maintenu la ligne dure et semé la division par pur électoralisme, mais il serait trop facile de faire porter tout le blâme à Drainville, qui n’aurait pas pu agir seul envers et contre tous.

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Si Jean-Martin Aussant avait trouvé une telle audience chez la jeune génération, c’est précisément que l’argument identitaire était presque totalement absent de son discours. Il ne croyait pas à son efficacité pour faire la promotion de la souveraineté, dans la mesure où ceux qui y étaient sensibles étaient déjà largement convertis. Y recourir risquait plutôt de faire fuir les autres.

Même s’il était favorable à un renforcement de la loi 101, tout en s’opposant à son extension au niveau collégial, ce « pur et dur » n’entretenait lui-même aucun rapport hostile avec l’anglais, qui avait été sa langue de travail pendant de nombreuses années et l’est de nouveau.

Après ce qu’il avait dit de Mme Marois, qu’il ne croyait ni capable ni même réellement désireuse de faire la souveraineté, un retour au PQ n’était pas envisageable, mais le départ de celle-ci élimine un important obstacle. L’arrivée d’un nouveau chef dont il ne douterait pas des intentions pourrait l’inciter à rentrer au bercail, comme le prévoit d’ailleurs la constitution d’Option nationale.

Le retour du fils prodigue ne réglerait certainement pas tous les problèmes du PQ, mais cela pourrait bien faire partie de la solution. Plusieurs de ses anciens collègues auront sans doute du mal à lui pardonner sa défection de juin 2011 et les propos très durs qu’il a tenus à leur endroit, mais le PQ n’a pas les moyens de s’offrir le luxe de la rancune.

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