Photo : La Presse canadienne (photo) Jacques BoissinotPauline Marois a tiré un trait définitif sur trois décennies de vie politique. |
Il y aura bientôt sept ans, je suis sortie de mon jardin après une courte retraite, parce que j’avais encore envie de servir le Québec. Depuis, il s’en est passé, des choses ; ça n’a pas toujours été de tout repos, mais je ne regrette rien et j’ai le sentiment du devoir accompli.
Je suis encore émue que les citoyens du Québec m’aient permis d’être leur première ministre. Je le suis d’autant plus d’avoir été la première femme à occuper cette fonction. Je suis très fière de tout ce que nous avons accompli en 18 mois avec la formidable équipe ministérielle du gouvernement du Parti Québécois.
En matière de finances publiques et d’économie, nous avons agi en effectuant un contrôle serré des dépenses. Le vérificateur général le confirmait d’ailleurs juste avant le déclenchement des élections.
L’audace en économie
Responsabilité dans la gestion des finances et audace dans le développement de notre économie : c’était notre approche. Nous avons présenté une politique économique qui misait sur la modernisation de nos entreprises, la recherche et l’innovation, l’exportation et l’électrification des transports.
Nous avons également doté le Québec d’un nouveau régime minier, en modifiant le système de redevances et en révisant la Loi sur les mines. Nous avons aussi relancé le secteur de la forêt et adopté la Politique de souveraineté alimentaire. Avec la phase 3 de la Politique nationale de la ruralité, nous avons donné à nos régions les moyens de continuer à se développer.
Nous avons repris le contrôle de nos ressources naturelles, notamment du pétrole sur l’île d’Anticosti. Et nous avons fait tout ça en sortant le Québec du nucléaire et de l’amiante, en freinant l’exploitation des gaz de schiste et en mettant en place un marché du carbone. Je crois que, dans l’avenir, on pourra continuer à voir le bénéfice des actions que nous avons lancées.
Prendre soin de notre monde
Nous avons beaucoup fait également en matière de solidarité sociale. Une des principales raisons pour lesquelles j’ai fait de la politique, c’est pour pouvoir prendre soin de notre monde.
C’est ce que nous avons fait, dans l’urgence, après qu’un train infernal eut frappé le coeur et la jeunesse de Lac-Mégantic. Nous étions encore là pour consoler et soulager la communauté de l’Isle-Verte, qui a perdu cet hiver une partie de sa mémoire.
Nous avons agi face au drame, nous avons aussi agi pour préparer l’avenir. Nous avons adopté une première loi-cadre sur l’économie sociale, élargi l’accès à l’aide juridique, augmenté la prestation de base à l’aide sociale et le financement dédié à l’action communautaire. Nous avons adopté un plan d’action contre la violence conjugale et présenté une politique de lutte à l’itinérance.
En éducation, nous avons mis fin à la crise sociale que traversait le Québec et rétabli le dialogue avec les étudiants. Après de franches discussions, nous avons indexé les droits de scolarité, lancé plusieurs chantiers destinés à assurer l’avenir de nos universités et bonifié substantiellement l’aide financière aux études. Nous avons également créé la maternelle quatre ans et investi des sommes considérables pour rénover nos écoles et nos infrastructures sportives.
Le soutien à la petite enfance a toujours été une priorité pour moi. Je suis très fière d’avoir enfin complété le réseau de services de garde.
Pour l’avenir, nous avons également dirigé massivement les nouveaux investissements en santé vers les soins à domicile et les soins palliatifs. C’est un chantier inachevé, fondamental pour l’avenir du Québec. Je souhaite d’ailleurs que, très rapidement, les parlementaires de la nouvelle législature pourront s’entendre pour adopter le projet de loi sur les soins de fin de vie, comme le souhaitent les Québécois.
Des valeurs, une langue, une culture
En matière d’identité, nous avons également été très actifs. Nous avons proposé une nouvelle charte de la langue française et une charte de la laïcité de l’État. Au moment où plusieurs sociétés dans le monde se posent des questions importantes quant à leur vivre-ensemble, il est normal que le Québec réfléchisse lui aussi.
La neutralité de l’État et l’égalité entre les femmes et les hommes sont des valeurs importantes pour nous. Les échanges sur ce sujet doivent se poursuivre. Ces questions ne sont toujours pas réglées et continueront d’interpeller les Québécois.
De même, les travaux entamés pour doter le Québec d’une nouvelle politique jeunesse et pour améliorer l’enseignement de notre histoire nationale sont très importants pour notre avenir. Nous avons également présenté un nouveau plan d’immigration pour bâtir un Québec ouvert et accueillant.
Nous avons été très actifs dans la promotion de notre culture. L’édifice Wilder, le Musée national des beaux-arts du Québec et la Place des Arts feront l’objet de nouveaux aménagements. Nous avons donné suite aux travaux du Groupe de travail sur la philanthropie culturelle et à la réflexion sur le prix unique du livre. Nous avons également proposé une stratégie numérique pour propulser notre culture dans le XXIe siècle.
Quand il s’agissait de défendre nos intérêts, nous avons fait entendre la voix du Québec. Qu’il s’agisse du pont Champlain, du transport des matières dangereuses, de la Commission des valeurs mobilières, de l’assurance-emploi ou de la formation de la main-d’oeuvre, nous nous sommes tenus debout.
Le Québec est une nation et doit agir comme tel. C’est donc de cette manière que nous avons traité nos soeurs et nos frères autochtones en signant des ententes historiques avec plusieurs nations, dont les Inuits, les Cris, les Hurons-Wendat, les Mohawks et les Micmacs.
L’intégrité a avancé
Mais si on devait retenir une seule chose de notre gouvernement, j’aimerais que ce soit tout ce que nous avons fait pour redonner aux Québécois le contrôle de leurs institutions. Leur crédibilité était mise à mal, la perte de confiance était réelle.
Nous avons d’abord fait adopter la loi 1 sur l’intégrité en matière de contrats publics. Nous avons donné plus de pouvoirs aux municipalités pour qu’elles puissent se prémunir contre la collusion. Nous avons également adopté la loi 10, qui permet de relever provisoirement de ses fonctions un élu accusé au criminel.
Surtout, nous avons envoyé un message fort. Nous avons donné la latitude, les ressources et les délais nécessaires aux forces policières et à la commission Charbonneau pour qu’elles puissent faire leur travail. Sous notre gouvernement, l’intégrité a avancé, la corruption a reculé.
Au sortir de cette période politique où des élections ont été tenues aux niveaux municipal et national, les citoyens ont été à même de constater les améliorations apportées à notre vie démocratique. Nous avons instauré un financement essentiellement public des partis politiques québécois. Nous avons fait de même au niveau municipal.
Après avoir abrogé la loi 78, nous avons instauré des bureaux de vote dans les établissements scolaires et nous avons fait adopter une loi sur les élections à date fixe, qui s’appliquera à l’avenir à tous les gouvernements majoritaires.
Nos institutions politiques sont aussi vitales pour l’avenir du peuple québécois que notre langue, notre culture et notre identité. Elles sont le reflet de notre volonté collective.
Je suis donc très fière du bilan de notre gouvernement. Pour moi, il vient couronner une vie d’engagement au service des Québécois.
Je veux saluer les élus avec qui j’ai pu travailler pour mettre notre vision en oeuvre. Je remercie également les employés loyaux, dévoués et compétents de la fonction publique du Québec.
Grâce à leur aide, c’est une maison en ordre que nous laissons au nouveau gouvernement. Les finances sont sous contrôle et nos institutions sont plus fortes. Le Québec va mieux.
L’avenir appartient aux Québécois
Je souhaite donc au premier ministre Philippe Couillard la meilleure des chances pour l’avenir. Les Québécois lui ont accordé leur confiance de façon claire. Il a toute la légitimité de gouverner le Québec et d’appliquer ses politiques.
Je me permets d’émettre deux souhaits, tant à titre de première ministre sortante que de citoyenne du Québec. Le premier, c’est que l’on poursuive sur la voie porteuse de l’électrification des transports. C’est l’avenir du Québec.
Le deuxième, c’est que jamais un gouvernement du Québec n’oublie sa mission sacrée de défendre notre culture et notre identité, plus particulièrement notre langue qui fleurit en Amérique depuis plus de 400 ans.
Mes derniers mots sont pour les Québécois. Merci de m’avoir permis de vivre tout ce que j’ai vécu depuis plus de trente ans.
Jeune femme, je rêvais de changer le monde. Aujourd’hui, je me permets humblement de penser que j’y ai contribué, grâce à vous. Merci, encore une fois.
Je vous enjoins de continuer de vous tenir debout, la tête haute, pour protéger ce qui vous tient à coeur. De continuer à chérir le précieux trésor que nous avons reçu de nos mères et de nos pères, et qui fait de nous un peuple différent. De ne jamais tourner le dos à la possibilité que nous nous donnions un jour un pays à nous. Un pays pour décider pour nous-mêmes et par nous-mêmes.
Chères Québécoises, chers Québécois, l’avenir vous appartient. Je demeurerai toujours à vos côtés. Je vous aime.
Pauline Marois
Source: Le Devoir
Source: Le Devoir
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