La boîte à surprises
Bernard Descôteaux
Le Devoir
Un jeune entrepreneur de la Mauricie a lancé un pavé dans la mare des partis politiques en affirmant devant la commission Charbonneau que la Loi sur le financement populaire était « le plus grand drame d’hypocrisie collective au Québec ». Cela est vrai, du moins en partie. Il aurait pu ajouter que les acteurs de ce drame sont les politiciens eux-mêmes, qui en ont dénaturé le sens.
Cette loi adoptée en 1977 portait symboliquement le numéro 2, pour manifester la volonté du Parti québécois de mettre fin au financement occulte des partis politiques. On associe généralement le nom de René Lévesque à cette loi, mais son auteur fut le ministre Robert Burns, parrain également de la Loi sur les référendums. Il est bon de le rappeler au moment de son décès survenu jeudi.
Robert Burns avait retenu comme principe fondateur de sa loi que seul l’électeur avait le droit de contribuer, partant de cet autre principe que le droit de vote appartient aux individus. Rompu à l’art de la négociation, il a su arracher au Parti libéral et à l’Union nationale leur appui. Votée à l’unanimité, la loi fut considérée comme un modèle, dont même le premier ministre Jean Chrétien finit par s’inspirer.
Cette loi fut appliquée avec rigueur par les partis politiques les premières années, mais le « naturel » revint doucement. Dès les années 1980 on commença à entendre des rumeurs sur les prête-noms. La ferveur militante des années 1970, époque où les partis politiques pouvaient compter plus de 300 000 membres, s’estompait, tout comme la générosité des militants. Les entrepreneurs cherchaient un moyen de pouvoir influencer le processus d’octroi de contrats, si bien que tous les partis devinrent accros aux dons illégaux.
Le recours aux dons d’entreprises sous couvert de prête-noms est devenu inscrit dans les moeurs des partis, à tel point qu’en 2010 trois ministres libéraux commirent des lapsus révélateurs. La ministre des Transports d’alors, Julie Boulet, la même qui témoignait cette semaine devant la commission Charbonneau, avait dit que « c’est légal au Québec de faire du financement, que les compagnies donnent ». Et si on ne donnait pas, il n’y avait pas de retour d’ascenseur. On peut voir de la part des partis une forme d’extorsion. Extorsion douce dans la mesure où les entreprises consentaient à se plier au système en place, qui dans le cas de la Ville de Laval a atteint des sommets, mais il faut tout de même appeler un chat un chat.
La démonstration que tentent de faire la commission Charbonneau et l’Unité permanente anticorruption est qu’un tel système était bien en place dans les partis provinciaux, tout particulièrement au Parti libéral, qui sous Jean Charest donnait aux ministres des objectifs de collecte de fonds de 100 000 $.
La commission a fait chou blanc avec le témoignage de l’amnésique Julie Boulet, de qui plusieurs anciens collègues prennent maintenant leurs distances, reconnaissant pour leur part comme fait avéré cet objectif de 100 000 $ de fonds àcollecter qui ne pouvait, bien sûr, que conduire à devenir dépendant de grandes entreprises. Les informations rendues publiques vendredi par l’UPAC sur les dons illégaux de la firme Roche à deux ex-députés libéraux de la Gaspésie, ajoutées à des révélations précédentes, confirment cette dépendance.
Le malaise est palpable au sein du gouvernement libéral, qui ne sait lequel de ses députés ou de ses ministres pourrait être mis en cause. Il y a sur la table du conseil une boîte à surprises dont personne ne sait ce qu’elle contient. Le premier ministre Philippe Couillard bénit chaque fois qu’il le peut le gouvernement Marois d’avoir fait adopter une nouvelle Loi sur le financement des partis qui limite à 100 $ les dons. Ce dont il doit maintenant se méfier toutefois, c’est que les amis du parti ne trouvent un nouveau moyen d’influencer l’octroi des contrats.
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