« Un peuple qui élit des corrompus, des renégats, des imposteurs, des voleurs et des traîtres n’est pas victime ! Il est complice ». Georges Orwell


vendredi 13 septembre 2013

Maria Mourani réfléchit à son avenir comme militante indépendantiste






La députée Maria Mourani persiste et signe: il n'y a aucun espace pour un accommodement raisonnable entre elle et la charte québécoise des valeurs dans sa facture actuelle.

«Congédier des femmes des centres de la petite enfance parce qu'elles portent une croix ou un foulard, ou un homme d'un hôpital parce qu'il porte une kippa ou un turban, je ne peux pas souscrire à une telle politique», a déclaré la députée fédérale d'Ahuntsic, vendredi à Montréal, au lendemain de son expulsion du caucus du Bloc québécois.

Mme Mourani, qui a à son tour quitté le Bloc, demeurera députée de la circonscription du nord de Montréal jusqu'à la fin de son mandat et affirme ne rien regretter de ses propos.

«Vous savez, quand je parle, c'est mûrement réfléchi. Et je pense que ce qui se passe actuellement est inacceptable pour le mouvement indépendantiste», a-t-elle dit lors d'un point de presse dans son bureau de comté, précisant qu'elle réfléchit à son avenir comme militante indépendantiste.

«Est-ce que les gens comme moi qui viennent d'ailleurs, qui s'intègrent au Québec, qui deviennent des citoyens à part entière, est-ce qu'ils ont leur place dans le mouvement indépendantiste?» a-t-elle demandé, tout en admettant qu'elle n'a pas encore de réponse à cette question.

Dommages collatéraux

Il est clair dans son esprit, toutefois, que la manière dont ce débat a été lancé provoque des dommages collatéraux à plusieurs niveaux, à commencer par le Bloc québécois.

«Pour le Bloc, j'avoue que la stratégie... pas fort du tout», a-t-elle laissé tomber, rappelant qu'elle était jusque-là la seule femme et la seule représentante issue de l'immigration du caucus. «Je m'amusais d'ailleurs à leur dire: je suis 100 % du caucus féminin et 100 % du caucus multiethnique (...), mais bon, ç'a l'air qu'ils ne l'ont pas compris.»

Elle estime que le gouvernement péquiste, avec cette charte, cause un tort immense non seulement à la cause indépendantiste, mais aussi à l'image du Québec dans le reste du Canada.

«On nous décrit comme xénophobes, comme racistes dans les autres médias (canadiens). Il faut le reconnaître. (...) Nous ne sommes pas comme ça, mais des politiques telles qu'on le voit avec cette charte très maladroitement amenée font en sorte que notre image en prend un coup», a-t-elle dit.

Quant aux efforts visant à obtenir l'adhésion des communautés culturelles au projet de Québec souverain, Mme Mourani souhaite bonne chance au mouvement indépendantiste. «Les gens sont extrêmement blessés; le lien de confiance est brisé et vous savez comment le lien de confiance, c'est quelque chose qui se bâtit d'année en année.»

Des critiques 

François Leblanc, qui était directeur du cabinet de l'ancien chef bloquiste Gilles Duceppe, lui a donné raison dans un échange sur Twitter qui se concluait ainsi: «Déçu moi aussi pour tous ceux qui ont mis tout ce temps et ces énergies à bâtir ce qui avait un rôle unificateur à jouer».

La décision du chef du Bloc québécois a aussi été dénoncée par une centaine de militants indépendantistes qui ont signé une pétition lancée sur Facebook et qui est portée par l'ancien président du Nouveau Mouvement pour le Québec, Jocelyn Desjardins. «À la lumière des circonstances, il faut se demander si le Bloc québécois cherche toujours à défendre à Ottawa les intérêts de tous les Québécois ou les intérêts du Parti québécois», a écrit M. Desjardins.

Maria Mourani s'est interrogée à voix haute quant à savoir si le débat s'inscrivait dans une «stratégie électoraliste identitaire» qui s'articulerait au détriment de la défense des droits fondamentaux de la personne.

«Tout au long de ma militance, j'ai vu qu'il existait une tension au sein du mouvement indépendantiste. Mais les leaders du mouvement et la majorité militante réussissaient toujours à chasser les démons de l'intolérance populiste lorsque venait le temps d'élaborer des politiques. Je me pose la question: ce temps, est-il révolu?»

Elle s'en est aussi prise ouvertement à Pauline Marois qui vantait le modèle français cette semaine.

«On semble vouloir se calquer sur le modèle français qui est un désastre au niveau de l'intégration», s'est exclamée la députée, rappelant la situation des Arabes et des Africains dans les banlieues parisiennes.

En faisant sa sortie vendredi matin, Mme Mourani a souligné ses origines libanaises et sa religion, catholique maronite, qu'elle affiche par une croix au cou, bijou qu'elle porte depuis l'enfance.

La députée dit avoir reçu des centaines de courriels et d'appels pour appuyer sa position contre la charte des valeurs proposée par le gouvernement péquiste.

Pas d'intervention du PQ

Le chef bloquiste Daniel Paillé n'est pas intervenu publiquement, vendredi, toutefois, préférant envoyer le député André Bellavance au bâton. Celui-ci a tenu d'abord à préciser que le Parti québécois n'était intervenu à aucun moment dans la décision de congédier Mme Mourani.

Selon M. Bellavance, le Bloc n'a eu d'autre choix que d'agir ainsi devant la teneur des propos de la députée d'Ahuntsic, prononcés au nom du parti.

«Mettez-vous dans ma peau de député du Bloc québécois. J'ai ma collègue qui est identifiée comme députée du Bloc québécois et qui commence à parler de nationalisme ethnique, de Jean-Marie Le Pen, d'exclusion, de persécution à des propos que (le chef du Parti libéral du Canada, Justin) Trudeau, (le chef du Parti libéral du Québec, Philippe) Couillard, (le chef du Nouveau Parti démocratique, Thomas) Mulcair n'ont même pas tenus», s'est-il défendu.

M. Bellavance rappelle que le Bloc, au moment de la publication du projet de charte, avait dit appuyer la démarche et rappelé la position du Bloc devant la commission Bouchard-Taylor, qui diffère de celle du gouvernement Marois sur la question du port de signes religieux ostentatoires.

Mme Mourani affirme avoir été fidèle à cette position adoptée par le Bloc en 2007, mais M. Bellavance ne l'entend pas ainsi.

«Comme député du Bloc québécois, ces comparaisons avec Jean-Marie Le Pen etc., on a beau être pour la charte à 100 pour cent, à la virgule près, on a beau être pour la charte avec certaines nuances, on a beau être contre la charte, ce sont des propos que j'aurais dénoncés fortement s'ils étaient venus de n'importe quel adversaire. Et là, c'était quelqu'un de mon caucus et qui, veut, veut pas, parlait en mon nom.»

«Maintenant, elle va pouvoir — en son nom personnel — dire ce qu'elle veut, même si je pourrais être en accord ou en désaccord, au moins je ne suis pas associé à ça», a conclu M. Bellavance.

Quant au reproche fait par la députée expulsée d'avoir aliéné les communautés culturelles, M. Bellavance n'a offert que ce commentaire: «ce n'est pas l'intention de la charte des valeurs québécoises parce que ça se veut inclusif. Et le travail se fait avec tout le monde. Actuellement, il y a une discussion qui se fait, qui est ouverte.»

Kenney applaudit Mourani

Bien que le gouvernement Harper se soit montré extrêmement prudent dans ses commentaires sur la charte jusqu'ici, le ministre fédéral Jason Kenney a offert des applaudissements très publics à Mme Mourani, sur son compte Twitter.

«Même si nous sommes en désaccord sur plusieurs points, je respecte Maria Mourani en tant que députée assidue, motivée et passionnée au Parlement», a-t-il écrit jeudi soir.

Depuis deux jours, le ministre Kenney affiche comme identification de son compte Twitter une photo de lui portant un foulard sur la tête pour visiter un temple sikh en Inde.

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