Antoine Robitaille
4 décembre 2012
Éditorial Le Devoir
4 décembre 2012
Éditorial Le Devoir
« Attentat politique » : les termes sont si souvent galvaudés de nos
jours que plusieurs ont qualifié de grossière exagération leur
utilisation par la première ministre Pauline Marois, dimanche à Tout le
monde en parle, pour qualifier l’acte présumé de Richard Bain, le soir
du 4 septembre au Métropolis.
Depuis trois mois, un cortège de voix insistent sur le fait qu’il ne
faut pas « exagérer » ; que c’était simplement le geste d’un « fou »
traversant une période de crise. Certes, c’est un homme isolé, en robe
de chambre, qui a agi ce soir-là ; il n’y a, à l’évidence, pas eu
complot.
Refuser de penser l’événement dans toutes ses dimensions, en réduisant
l’affaire au geste d’un désaxé, n’a rien de nouveau. L’auteure de
L’ouragan homicide, L’attentat politique en France au XIXe siècle (Champ
Vallon, 2011), Karine Salomé, a expliqué dans plusieurs interviews que
de désigner comme « fou », « fanatique », « exalté », « l’attentateur »,
est une constante de l’histoire.
Le procès de Richard Bain n’a pas encore eu lieu et certains aspects
restent à clarifier. Les parties devraient d’ailleurs être de retour en
cour vendredi. « L’ensemble des éléments de preuve et l’acte
d’accusation ont été traduits en anglais à la demande de l’accusé »,
a-t-on pu lire dans une dépêche en octobre. L’homme fait face à seize
chefs d’accusation, dont un de meurtre prémédité de Denis Blanchette,
trois de tentative de meurtre, un de voies de fait graves et un
d’incendie criminel.
Qu’est-ce qu’un attentat, selon le Trésor de la langue française ? «
Entreprise criminelle perpétrée contre une personne ou contre une
communauté, et particulièrement dans un contexte politique. » Cela
ressemble bien aux crimes dont est accusé M. Bain, non ?
Et pourquoi cette réticence, au Québec, à qualifier l’événement d’«
attentat politique » ? Après tout, c’était un soir d’élection. L’homme
s’est présenté à une réunion politique. Il aurait vociféré des propos à
teneur politique : « It’s payback time », « Les Anglais se réveillent ! »
Le lendemain, il a téléphoné à une station de radio. Assez lucide pour
taire le sujet de la fusillade, il a toutefois expliqué en 38 minutes sa
vision politique d’une partition de l’île de Montréal. D’accord, il a
aussi parlé de ses visions de Dieu…
Mais qu’une personne, même désaxée, mette le feu à quelque institution
religieuse et on n’hésitera aucunement à parler - avec raison - d’un
geste « politique » de rejet, de haine. Pourquoi, dans le cas des
accusations contre Bain, y a-t-il une réticence ne serait-ce qu’à
débattre du caractère politique, anti-souverainiste, voire francophobe
de ces comportements ? Le faire n’inculpe aucunement l’ensemble des
anglophones du Québec. Qualifier les meurtres de Marc Lépine, le 6
décembre 1989, de misogynes, d’un « attentat contre les femmes »,
inculpait-il tous les hommes ? Non.
En somme, la première ministre a eu raison de lever le tabou.
***
... Et enfin d'appeler un chat un chat!
Bref, on ne le dira jamais assez. Pourquoi cette réticence, au Québec, à qualifier l’événement d’«
attentat politique »? Merci au Devoir de ne pas avoir eu peur de lui donner raison
concernant cette histoire avec le présent éditorial. On ne peut pas par
contre, comme on le sait, en dire autant pour d'autres quotidiens !
Mais faudra bien un de ces jours clarifier l'affaire.
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