Robert Dutrisac
Le Devoir , mercredi 10 octobre 2012
Minoritaire, le gouvernement Marois se résigne à mettre de côté de larges pans de sa «gouvernance souverainiste», reportant à plus tard toute revendication de nouveaux pouvoirs. En revanche, il exigera du gouvernement Harper le respect intégral des compétences du Québec, soit la fin des empiétements et le transfert en bloc des milliards ainsi dépensés par Ottawa.
Le Devoir , mercredi 10 octobre 2012
Minoritaire, le gouvernement Marois se résigne à mettre de côté de larges pans de sa «gouvernance souverainiste», reportant à plus tard toute revendication de nouveaux pouvoirs. En revanche, il exigera du gouvernement Harper le respect intégral des compétences du Québec, soit la fin des empiétements et le transfert en bloc des milliards ainsi dépensés par Ottawa.
C’est ce qu’a indiqué le ministre délégué aux Affaires
intergouvernementales canadiennes et à la Gouvernance souverainiste,
Alexandre Cloutier, dans une entrevue accordée mardi au Devoir, la
première qu’il donnait depuis sa nomination. « La gouvernance
souverainiste, vous aurez compris qu’on est apte à n’en mettre en branle
uniquement qu’une partie », a-t-il livré à son cabinet du Secrétariat
des affaires intergouvernementales canadiennes (SAIC). « On est obligé
de prendre acte qu’on est minoritaire à l’Assemblée nationale. »
« On est souverainiste. Le minimum, c’est certainement de protéger la
souveraineté qu’on est censé avoir à l’heure actuelle », a affirmé
Alexandre Cloutier. « Ce que ça va vouloir dire de la part du
gouvernement fédéral, c’est une lecture un peu plus pointue de la
Constitution de 1867. »
Ainsi, il n’est pas question pour l’heure de réclamer de nouveaux
pouvoirs en matière de communications, comme l’avait demandé sans succès
le gouvernement Charest, ou encore le rapatriement de
l’assurance-emploi, deux revendications qui font partie du programme
péquiste. Impossible, selon lui, d’obtenir de l’Assemblée nationale une
motion pour demander un amendement constitutionnel, une autre
conséquence du statut minoritaire des péquistes. « Parce qu’on est un
gouvernement souverainiste, on reste toujours avec le même objectif, qui
est celui de faire du Québec un pays. Mais dans l’intervalle, on ne
restera pas les deux bras croisés à attendre qu’un référendum arrive on
ne sait quand », explique-t-il.
« Nous allons d’abord travailler sur ce qui nous apparaît le plus simple et le plus consensuel. »
Le gouvernement Marois entend en quelque sorte prendre Stephen Harper
au mot. Alexandre Cloutier s’appuie notamment sur le discours que le
chef conservateur a prononcé à Québec en 2005. « Le pouvoir de dépenser
exorbitant a donné naissance à un fédéralisme dominateur, un fédéralisme
paternaliste, qui est une menace sérieuse pour l’avenir de notre
fédération », avait déclaré Stephen Harper.
« Ça tombe bien : on partage le même constat que lui sur l’état de la
fédération canadienne », juge Alexandre Cloutier. Le gouvernement Marois
entend agir de « bonne foi, de façon pragmatique », avec le
gouvernement Harper. « Non seulement on va respecter nos engagements,
mais on va aussi aider le gouvernement conservateur à respecter son
engagement », a-t-il avancé.
Durant la campagne électorale, Pauline Marois ne s’est pas gênée pour
faire de Stephen Harper sa tête de Turc. Le gouvernement péquiste
s’oppose aux « valeurs » du gouvernement conservateur - la question de
l’avortement, l’abandon de Kyoto, le traitement des jeunes
contrevenants, etc. -, mais les deux gouvernements se retrouvent « sur
un terrain commun » en ce qui a trait à la gouvernance de l’État et du
respect des compétences fédérales et provinciales, a fait valoir le
ministre.
Alexandre Cloutier a chargé le SAIC de répertorier tous les
empiétements d’Ottawa dans les compétences du Québec, que ce soit en
matière de municipalité, de santé ou de culture. Une liste préliminaire
tient sur plusieurs dizaines de pages et porte sur des milliards de
dollars, a-t-il signalé. « Il y a beaucoup de ménage à faire dans les
relations Québec-Ottawa. Il y a beaucoup de pertes d’efficacité, de
chevauchements, de programmes inutiles, de programmes doubles et même de
la confusion dans le rôle des deux gouvernements », a-t-il dit.
Le gouvernement Marois entend réclamer un « transfert en bloc » des
sommes qu’Ottawa dépense au Québec dans son programme d’infrastructures
destiné essentiellement aux municipalités, une stricte compétence
québécoise. Plus question de signer avec le fédéral des ententes pour
chacun des projets d’infrastructures municipales. « On n’ira plus à la
pièce comme le gouvernement précédent. Notre développement économique
dépend de notre capacité à agir rapidement et à contrôler nos leviers en
matière d’infrastructures », a-t-il souligné, dénonçant les retards
occasionnés par la signature des multiples ententes ponctuelles.
Raisonnement similaire en culture, un champ de compétence exclusive du
Québec en vertu de la Constitution de 1867, a signalé le ministre
constitutionnaliste. Le ministre de la Culture et des Communications,
Maka Kotto, est chargé de négocier le rapatriement des sommes que verse
Ottawa en subventions aux artistes québécois par l’entremise du Conseil
des arts du Canada, de Téléfilm Canada et de Patrimoine Canada. Nul
besoin d’une modification constitutionnelle pour ce faire.
L’autre cible du gouvernement Marois, ce sont les dépenses directes du
fédéral en santé et en éducation, deux autres champs de compétence
exclusive du Québec. « On est très conscient du défi qu’on leur lance
[aux conservateurs] », a cependant reconnu le ministre.
Enfin, selon le souhait de la première ministre, les ministres du
gouvernement péquiste continueront à participer aux rencontres
intergouvernementales. Mais ils seront tenus de respecter « un code de
conduite », celui de la gouvernance souverainiste. « Il n’y aura pas
d’ententes sectorielles », a assuré le ministre.
De même, le gouvernement Marois continuera de prendre une part active
dans le Conseil de la fédération, qu’Alexandre Cloutier, alors dans
l’opposition, qualifiait de « bébelle » qui rabaissait le Québec au rang
de province comme les autres. « Nous ne noierons pas la vision du
Québec à l’intérieur d’un conseil. Nous ferons valoir directement notre
point de vue au premier ministre Harper », a toutefois soutenu Alexandre
Cloutier.
***
Le Conseil de la Fédération? La «bébelle», avez-vous déjà appelée la chose, M. Cloutier? À lire aussi le synonyme suivant: la patente à gosse des fédéralistes ... En tout cas, amusez-vous bien! Et surtout, bonne chance!
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