C’est confirmé : le gouvernement libéral vole au secours de
Bombardier en engageant 1 milliard de dollars américains dans la
poursuite du programme CSeries. En Chambre, l’opposition à Québec a
aussitôt dénoncé la nature risquée de l’aventure, qualifiant le
gouvernement de « piètre négociateur ».
Les employés et les acteurs de l’aéronautique ont plutôt applaudi une
intervention gouvernementale stratégique en appui à une société phare de
l’industrie aéronautique au Québec.
Bombardier cherchait des partenaires pour son programme CSeries. Le
développement des appareils CS100 et CS300 cumule les retards et voit
son coût dépasser désormais les 5,4 milliards de dollars américains,
soit près de 60 % de plus que l’enveloppe originale. Après avoir testé
l’intérêt d’Airbus, la multinationale québécoise a finalement répondu à
l’offre maintes fois formulée par le gouvernement, qui injecte 1
milliard de dollars dans la poursuite du programme. L’investissement,
puisé à même le Fonds du développement économique, sera administré par
Investissement Québec.
Le gouvernement obtiendra, en retour, une participation de 49,5 %
dans une société en commandite créée à cette fin. En contrepartie d’une
participation de 50,5 %, Bombardier y transfère les quelque 1700
employés affectés au développement des appareils, des contrats de
fournisseurs et de clients ainsi que les éléments d’actif et les
propriétés intellectuelles nécessaires pour poursuivre les activités de
conception, de fabrication et de commercialisation des avions
biréacteurs CS100 et CS300, peut-on lire dans le communiqué publié par
le ministre de l’Économie, de l’Innovation et des Exportations, Jacques
Daoust. La commandite sera présidée par l’ex-premier ministre du Québec
Daniel Johnson, qui siège au conseil de Bombardier depuis 1999.
Autre élément digne d’intérêt, Québec recevra 200 millions de bons de
souscription d’une durée de cinq ans, chacun lui donnant le droit
d’acheter une action de classe B de Bombardier à un prix unitaire
équivalant, en dollars américains, à 2,21 $CAN. Et l’État reçoit
l’engagement de Bombardier qu’elle conservera au Québec, pendant une
période de 20 ans, le siège social stratégique de la commandite, y
compris le maintien des activités de fabrication à Mirabel, de recherche
et développement, et autres activités connexes.
Pas sans risque
En conférence de presse, le ministre Daoust a reconnu que l’aventure
n’était pas sans risque. Il a cependant souligné que la volonté de
Bombardier de poursuivre le programme constituait un vote de confiance.
Il a qualifié la nouvelle relation de « gagnant gagnant » et parlé d’une « occasion unique de s’associer à une entreprise emblématique du génie québécois ».
En tant qu’investisseur, Québec peut espérer un rendement. Les
appareils proposent de multiples avantages, leur certification est en
voie d’être complétée « et, déjà, les engagements signés et les commandes fermes se chiffrent à plus de 600 »,
a-t-il souligné. Les commandes fermes portent sur 243 appareils, et il
est prévu que les premières livraisons débuteront l’an prochain.
Michel Nadeau, directeur général de l’Institut sur la gouvernance
d’organisations privées et publiques, est d’accord avec le ministre. « C’est très positif, c’est convaincant. Québec joue très bien ses cartes », a-t-il commenté au Devoir.
À l’opposition qui accuse le gouvernement d’être un « piètre négociateur »,
le ministre a également fait ressortir qu’en plus de la participation
de 49,5 % dans la commandite, Québec recevait 200 millions de bons de
souscription qui, s’ils sont exercés, représentent 8,9 % de la totalité
des actions de classe A et de classe B de Bombardier. « Ce poids n’aura pas d’incidence importante sur le contrôle de Bombardier », a pris soin d’ajouter l’entreprise.
Radiation de 3,2 milliards
« Nous avons sorti le programme de Bombardier après l’avoir nettoyé. La société en commandite est épurée de ce fardeau »,
a renchéri Jacques Daoust. Bombardier amputera ses résultats financiers
d’une charge de 3,2 milliards de dollars américains liée à la
dépréciation de son programme d’avions CSeries. Cette charge, et une
autre de 1,2 milliard découlant de l’annulation du programme d’avion
Learjet 85, a forcé Bombardier à inscrire une perte nette de
4,9 milliards à la fin du troisième trimestre clos le 30 septembre,
contre un bénéfice de 74 millions au trimestre correspondant de 2014.
Sur une base ajustée, le bénéfice net du troisième trimestre a été de
2 millions (soit nul par action), contre 222 millions, ou 12 ¢ l’action,
un an plus tôt. Le carnet de commandes atteignait 61,8 milliards au
30 septembre 2015, contre 69,1 milliards au 31 décembre 2014.
Les sources de financement disponibles s’établissaient à
3,7 milliards au 30 septembre dernier. Il est estimé que Bombardier
pourrait devoir injecter 1 milliard supplémentaire pour mener à terme le
programme.
À l’Association internationale des machinistes et des travailleurs de
l’aérospatiale, on se réjouissait de cette entente, qui vient atténuer
l’incertitude quant à la santé financière de Bombardier et pérenniser le
programme CSeries. Pour Suzanne Benoît, p.-d.g. d’Aéro Montréal, « cette
annonce démontre l’importance que le gouvernement accorde au programme
CSeries et le poids de ce dernier quant au développement de l’industrie
aéronautique québécoise. Bombardier est la société phare pour
l’industrie aéronautique au Québec et au Canada, la soutenir est
nécessaire pour s’assurer du maintien d’emplois de qualité au Québec.
L’investissement du gouvernement arrive à un moment stratégique dans le
développement du programme CSeries et va rassurer tous les acteurs de la
chaîne d’approvisionnement aéronautique québécoise. »
Source: Le Devoir
Source: Le Devoir
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