« Un peuple qui élit des corrompus, des renégats, des imposteurs, des voleurs et des traîtres n’est pas victime ! Il est complice ». Georges Orwell


jeudi 31 juillet 2014

Lise Thibault dit avoir signé son propre «arrêt de mort»

Une vice-reine traînée en procès: 
jamais je n'aurais cru voir ça de mon vivant ... May 


Garnotte, Le DevoirLise Thibault soutient qu’elle devait se lever à 2h00 du matin pour avancer dans ses journées et ne pas prendre de retard.


Lise Thibault estime qu’elle a signé son propre « arrêt de mort » avec le décret autorisant une enquête sur son administration.

À son procès pour fraude et abus de confiance mercredi, au palais de justice de Québec, l’ancienne lieutenante-gouverneure est revenue sur les circonstances de sa chute en 2007. Au cours de l’interrogatoire mené par son avocat, Marc Labelle, elle a d’abord rappelé que c’était elle qui avait demandé une vérification sur la gestion de son cabinet, au beau milieu d’une controverse médiatique sur ses dépenses. Elle avait adressé une lettre à la vérificatrice générale de l’époque au fédéral, Sheila Fraser, et au premier ministre Jean Charest.

« Pauvre M. Charest »

Selon ses mots, elle voulait ainsi notamment soutenir « son » premier ministre, qui s’apprêtait à déclencher des élections — qui ont finalement eu lieu au printemps 2007. Or, quand le décret instituant l’enquête est arrivé pour qu’elle le sanctionne, quelle ne fut pas sa surprise de constater que l’enquête ne s’étendait pas sur une seule année, comme elle le voulait, mais sur sept années de son mandat.

Elle ne voulait toutefois pas accabler M. Charest quant au libellé du décret, puisqu’il avait bien d’autres soucis — « Pauvre M. Charest », a-t-elle résumé. Alors, elle s’est résignée et s’est fait une raison. « Entre sept ans et un an, j’ai toujours été la même. Cela a été mon arrêt de mort », a-t-elle toutefois conclu.

Par ailleurs, l’ancienne lieutenante-gouverneure Lise Thibault a soutenu qu’elle avait des journées trop remplies pour prendre le temps de scruter attentivement les notes de frais qu’on lui présentait pour signature. Elle a fait montre d’une mémoire encyclopédique en ce qui concerne les inscriptions à son agenda de l’époque, les noms des organismes et des personnalités, mais n’accordait donc aucune attention au libellé des factures.

Mme Thibault a répété qu’elle ne faisait aucun suivi des procédures de facturation de ses dépenses au fédéral. Elle a de nouveau reproché à l’administrateur de son cabinet, André Labrecque, son incurie : « Ce n’était pas un administrateur. »

Quand Me Labelle lui a demandé si elle faisait autre chose que de simplement signer les formulaires de facturation présentés par M. Labrecque, elle a répondu : « Non, absolument pas, mes journées étaient tellement remplies. »

Lise Thibault soutient qu’elle devait parfois se réveiller à 2 h du matin pour avancer dans ses journées et ne pas prendre de retard. « Pour moi, tout était une fonction officielle », a-t-elle répété pour justifier ses dépenses et son emploi du temps chargé.

Visites officielles

Même un arrêt dans une succursale d’une chaîne de restauration rapide le long d’une autoroute devenait prétexte à une visite officielle. « Pour le citoyen qui se levait pour me serrer la main, ce n’était pas un citoyen ordinaire, c’était le lieutenant-gouverneur, c’était officiel. »

Elle ne faisait rien comme un citoyen ordinaire, a-t-elle insisté, pas même la lecture de la presse, qu’on doit scruter différemment quand on a des responsabilités de lieutenant-gouverneur, selon elle. Elle se targue d’avoir chaque jour parcouru huit quotidiens, ainsi que des magazines internationaux et nationaux importants.

« À 8 h, je devais avoir lu trois journaux, pas comme un citoyen ordinaire, mais comme un chef d’État. »

Source: Le Devoir

lundi 14 juillet 2014

#CHRONIQUEFD Trop!

Amazon.com

Fabien Deglise
Le Devoir


Dans une écologie francophone du livre où apparaissent chaque jour 100 nouveaux titres — c’est presque 600 par semaine si l’on considère la pause du dimanche ! —, débarquer avec un bouquin intitulé Trop (éditions de la Différence) relève forcément de la provocation.

Le romancier français Jean-Louis Fournier, habile sculpteur de phrases, fin assembleur de mots, assume de toute évidence le geste en s’avançant avec ce nouveau titre imaginé, après La servante du seigneur (Stock), pour dénoncer, avec verve, ce mal très contemporain de l’abondance et surtout les nombreuses dérives vers lesquelles ce trop nous conduit. Après tout, devant l’embarras du choix, c’est surtout l’embarras qui l’emporte sur le choix, avec à la clef cette valse-hésitation, ce doute qui nourrit l’inertie, le louvoiement, la stagnation et, finalement, nuit à l’avancement, l’audace et aux mutations.

Trop de savon dans les épiceries, trop de brosses à dents, trop de culture, trop de beauté, trop d’infos, trop d’écrivains, même, écrit-il… À trop cultiver le trop, l’humanité ne serait-elle pas en train de courir à sa perte ? En nanti Parisien qu’il est, se plaignant la bouche plus que pleine, Fournier le croit, et il est difficile de lui donner tort lorsqu’on sort un instant de la densité de la forêt pour prendre conscience du nombre d’arbres, et surtout pour regarder un peu mieux ce qui se passe autour de nous.

Prenez Montréal en ce moment,

mardi 1 juillet 2014

Laïcité : il est temps de se ressaisir !

Il y a urgence ! Les politiques se sont trop longtemps défaussés sur les juges, comme le montre l'interminable feuilleton Baby-Loup, désormais entre les mains de la justice européenne. "Marianne" publie un appel d'intellectuels, de politiques et d'acteurs de la société civile. Pour renouer avec la tradition républicaine et en finir avec trente ans de démissions. Un appel que vous pouvez vous aussi signer sur la plateforme Change.org.



Hommes et femmes d'horizons philosophiques, politiques et professionnels différents, nous sommes inquiets de voir à quel point, face à l'action engagée par diverses mouvances religieuses et politico-religieuses pour attenter à la laïcité républicaine, la réponse politique demeure faible. Pour notre part, récusant autant ceux qui exploitent la défiance générale pour accentuer la fracture sociale et identitaire, que ceux qui rejettent toute analyse critique du multiculturalisme dans le camp des « réactionnaires » ou des « intolérants », notre démarche vise à défendre et faire vivre la laïcité sans blesser mais dans la clarté et la fermeté, à trouver des solutions sans heurter mais sans faillir.

La laïcité — qui refuse les aspects politiques des religions et laisse à ces dernières toute liberté dans la vie sociale sous régime de droit commun — est globalement vécue dans notre pays comme une « tradition moderne », ce qui est parfois difficile à décrypter pour ceux venus d'ailleurs. Or aujourd'hui, la laïcité comme principe politique, code de vie collective et force morale, est remise en question par divers mouvances et groupes religieux qui rejettent « la démocratie des mécréants », la suprématie du droit civil sur les textes, à leurs yeux sacrés, avec un usage maîtrisé des radios communautaires et d'internet. Dans cet espace ainsi ouvert se rejoignent radicaux et orthodoxes issus des trois religions monothéistes pour exploiter à leur profit la crise ambiante, remettant notamment en cause les acquis du long combat pour l’égalité des sexes que l’on croyait clos et qui, à notre grande surprise, est à reprendre.

Notre propos n'est pas de nier l'existence d'une diversité ethnique, religieuse, culturelle ou autres, encore moins de réfuter le droit d'appartenir à telle ou telle communauté à la condition, toutefois, que celle-ci ne verse pas dans le communautarisme et reste ouverte sur l'extérieur, qu'elle facilite le va-et-vient en pensées et en individus entre le dedans et le dehors. Mais plus encore à la condition que, sachant indivisible notre République de citoyens, chacun se reconnaisse dans un fonds commun en histoire, en droits, en valeurs et en normes dont la laïcité est l’une des plus éminentes. Pour autant la laïcité n'est pas un dogme, on a le droit de manifester des opinions anti-laïques, mais on n'a aucunement le droit de transgresser les lois laïques votées par le Parlement.

Or depuis une trentaine d'années, des mouvements se développent dans notre société qui semblent aller en sens inverse, du fait d'une immersion des peuples dans la mondialisation avec perte des repères, d'une circulation accentuée de populations poussées hors de leurs pays par la misère, les révolutions et les guerres théocratiques, fondamentalistes, interethniques et nationalistes. Ont ainsi surgi des exigences en matière de rituels vestimentaires, alimentaires, cultuels ou d'expression médiatique, qui sont loin de correspondre toujours aux demandes réelles de populations hétérogènes d'un point de vue économique et identitaire. Certains pays ont expérimenté sur ce terrain une attitude permissive, comme le Canada sous le couvert d'accommodements dits raisonnables, avant de reculer face aux incohérences des revendications et au risque d'un éclatement sociétal : tribunaux rabbiniques ou islamiques, jours fériés spécifiques à chaque religion, révision multiforme des programmes scolaires, pauses pour les prières sur les lieux de travail, formation au multiculturalisme de la police et des médecins, imposition de quotas pour certains recrutements et différents concours, etc. Ces accommodements s'imposent quelquefois au niveau mondial avec, depuis peu, l'autorisation du port du voile ou du turban sur les stades.

De plus en plus en France, le flou juridique en matière de laïcité, doublé de l'indécision politique, favorise au sein de nombreuses institutions publiques et privées des « accommodements » mal vécus par une grande partie des professionnels et des usagers. Face à ces confusions — qui alimentent les extrêmes — ce sont aujourd’hui bien souvent les décisions prises par des acteurs de la société civile, sans toujours le garant de la loi, qui montrent courageusement la voie à suivre. Ce fut ainsi le cas pour la crèche Baby-Loup comme pour l'entreprise Paprec, en Seine-Saint-Denis, qui s’est dotée d’une charte de la laïcité, acceptée à l'unanimité des 800 représentants de ses 4 000 salariés, pour imposer un devoir de neutralité sur le lieu de travail où coexistent des employés de 52 nationalités.

Pour accueillir l'altérité, un pays se doit d'être solide sur ses pieds, confiant dans ses fondations, tout en étant capable, par ses structures d'accueil et en fonction de ses capacités, d'intégrer chacun sur la base de principes clairs expliqués et enseignés. Il appartient aux politiques et aux institutions de transmettre cette laïcité, qui reste par nature un formidable levier d'intégration puisqu'elle permet de rassembler tous les citoyens — et au-delà tous ceux qui vivent sur le territoire national —, quelles que soient leurs origines religieuses ou ethniques, qu’ils soient croyants ou non, sans la moindre distinction. Tous les citoyens et les responsables, quelle que soit leur sensibilité politique, sont concernés. Or nombre d'entre eux ne réagissent plus sur ce terrain, quand d'autres l'instrumentalisent d'un point de vue idéologique. Entre autres raisons, les résultats des dernières élections municipales et européennes ont durement sanctionné ce délaissement de nos valeurs par nombre de ceux qui avaient à les faire vivre. Ainsi de la laïcité. Il est grand temps de se ressaisir !