IDENTITÉ, CHARTES ET SOUVERAINETÉ
Louis Lapointe
Vigile.net
vendredi 3 janvier 2014
Comme la plupart des lecteurs de Vigile j’ai écouté cette entrevue accordée par Roger Tassé dans les derniers jours de l’année 2013. http://rc.ca/1lrp76S
J’avoue ne pas avoir été étonné par ses propos qui n’ont fait que confirmer mes doutes.*
Une charte de la laïcité pourrait très bien se justifier dans une société libre et démocratique.
La Cour Suprême du Canada pourrait même avaliser l’interdiction du port de signes ostentatoires pour les employés de l’État pendant les heures de travail si cette interdiction était bien circonscrite.
Nous sommes très loin de cette Charte qui bafoue les droits de la personne ou de la bougie d’allumage de l’indépendance du Québec.
En fait, selon Roger Tassé, la Charte de la laïcité se marierait très bien avec laCharte canadienne des droits.
D’un côté, les tribunaux pourraient en reconnaître la validité (article 1).
De l’autre, le gouvernement pourrait se soustraire à son application en recourant à la clause dérogatoire (article 33).
Au milieu, les tenants du multiculturalisme (article 27) comme ceux de l’égalité homme/femme (article 28) pourraient recourir à un article de la charte canadienne pour défendre leur point de vue.
Il y en a pour tout le monde dans ce débat, sauf pour les indépendantistes québécois.
Car notre combat n’est pas celui de l’identité québécoise.
Il est celui de la souveraineté du Québec.
Rappelons-nous, la charte canadienne nous a été imposée sans notre consentement en 1982.
Elle est un déni de la souveraineté de notre Assemblée nationale.
Rappelons-nous également que la Cour Suprême, dont tous les juges sont nommés par le bureau du premier ministre du Canada, aura à trancher ce débat entre les tenants et les opposants à la Charte de la laïcité.
Voilà pourquoi il ne faut pas conclure que Me Roger Tassé est du côté de Pauline Marois et de la Charte de la laïcité.
En fait, il défend la légalité de la Charte canadienne des droits et son discours vise simplement à démontrer que même si cette charte n’est pas légitime, elle peut être juste à l’égard du Québec, alors que nous savons tous qu’elle est un affront à notre souveraineté.
Dans cette perspective, si la Cour Suprême donne raison aux tenants de la Charte de la laïcité, cela rendra-t-il la Charte canadienne des droits davantage légitime aux yeux d’une majorité de Québécois ?
De la cage où elle nous enfermait, en raison du discours que tiennent tous ceux qui confondent identité et souveraineté, la Charte canadienne des droits deviendrait une véritable marmite à homards pour tous les Québécois.
***
*Sur le même sujet :
« Ainsi, si Pauline Marois est vraiment sincère dans
son projet de charte des valeurs, rien, légalement, ne l’empêcherait de le
réaliser à l’intérieur du Canada. Une majorité de voix à l’Assemblée nationale
suffirait à lui donner la légitimité nécessaire.
Il n’y aurait donc rien de répréhensible à devenir
démocratiquement une province officiellement laïque, même si cela va à
l’encontre de la Charte canadienne des droits.
À plus forte raison, les Québécois peuvent même être
consultés sur le sujet et décider de recourir à la clause dérogatoire s’ils
veulent vraiment habiter une province laïque tout en demeurant au sein du
Canada sans qu’on puisse les traiter de xénophobes.
Voilà pourquoi, si j’étais fédéraliste, j’encouragerais le
gouvernement du Québec dans sa démarche et je l’accuserais d’hypocrisie s’il ne
recourait pas à la clause dérogatoire pour atteindre son objectif compte tenu
des avis juridiques partagés sur le sujet.
Voilà pourquoi, à mon avis, l’idée d’une charte de la
laïcité ne conduit pas à l’indépendance du Québec.
Voilà pourquoi le projet de Charte n’est pas un projet
indépendantiste, mais un projet nationaliste qui peut très bien s’intégrer au
sein du Canada, même s’il va à l’encontre de la Charte canadienne de droits et
de l’idée qu’une majorité de Canadiens se fait du Canada. »
« Lorsque les immigrants arrivent au Québec, ils
n’immigrent pas au Québec, mais bien au Canada, pays de l’anglais et du
multiculturalisme.
La seule façon de changer l’ordre des choses est de faire
en sorte que les immigrants n’arrivent plus dans une quelconque province du
Canada, mais bien dans un pays, le Québec.
À plusieurs reprises, dans cette chronique, j’ai fait la
démonstration que l’adoption de tous ces bidules, chartes et constitution
québécoise bidon, ne nous conduirons jamais nulle part tant que nous
demeurerons dans le Canada.
Le vrai changement ne consiste donc pas à réaménager le
cadre canadien actuel avec des lois du Québec qui seront invalidées un jour ou
l’autre par la Cour Suprême où nous ne nommons aucun juge, une antinomie
juridique, mais bien de sortir du cadre canadien. »
« Ce choix de la neutralité est-il un choix qui peut
s’exprimer démocratiquement comme celui de l’indépendance d’un État ?
Si des citoyens libres peuvent démocratiquement choisir de
vivre dans un état indépendant, le présent débat nous enseignera probablement
que seul un état souverain peut choisir la neutralité pour ses institutions.
La liberté est au citoyen ce que la souveraineté est à un
état.
Si nous sommes libres de choisir nos indépendances, nous
sommes également libres de choisir nos dépendances. »
« Une nouvelle charte sur les valeurs s’ajoutant aux
trois autres et nous présentant encore une fois comme une majorité démocratique
n’y changera rien.
Mon analyse de la situation n’a pas changé depuis 2007.
Sans l’accession à l’indépendance, sans pays, les
Québécois ne pourront jamais constituer une majorité à l’intérieur du Canada.
Prétendre le contraire, c’est se mentir à soi-même. »
« La société a toujours évolué plus rapidement que
les lois. En d’autres mots, le droit est à la remorque des faits de société,
c’est-à-dire des phénomènes caractéristiques des tendances de la vie sociale
d’un pays. On l’a vu récemment lors des débats sur le mariage gay et les unions
hors mariage où la Cour Suprême a refusé d’intervenir, laissant au gouvernement
québécois le soin de légiférer sur les droits des conjoints de fait.
Sans l’adoption de lois, les droits ne peuvent évoluer à
la même vitesse que la société.
Il est donc faux de prétendre que les valeurs d’une
société évoluent sans qu’on ait besoin d’en reconnaître les effets dans les lois.
L’expérience de la progression des droits des femmes au
cours du dernier siècle en constitue la plus éloquente démonstration.
Ainsi, les femmes n’auraient jamais acquis le droit de
vote si les gouvernements canadien et québécois n’avaient pas adopté de loi en
ce sens. Elles n’auraient jamais été les égales juridiques de leurs époux sans
les modifications apporter au Code civil en 1964. Jamais elles n’auraient pu
devenir avocates.
Les principaux avancements sociaux des femmes ne se
seraient jamais concrétisés sans l’adoption de lois. »
« Loin de consacrer l’égalité des hommes et des
femmes, les chartes hiérarchisent plutôt les droits et libertés qui y sont
reconnus en proclamant la « suprématie » de Dieu et en déclarant que
les « distinctions, exclusions et préférences » pratiquées par les
groupes religieux sont réputées non discriminatoires.
Il serait donc plus juste de dire que la discrimination à
l’encontre des femmes est une loi divine consacrée par les
chartes ! »
« Peut-on légitimement parler d’égalité des hommes et
des femmes au Québec lorsque notre propre Charte des droits et libertés tolère
au nom des valeurs démocratiques, de l’ordre public et du bien-être général des
citoyens du Québec que les femmes puissent être discriminées au nom de
pratiques religieuses héritées du Moyen-Âge ?
Pour moi, il ne fait aucun doute, la Charte québécoise
telle que rédigée est discriminatoire et ne respecte pas les valeurs
démocratiques, l’ordre public et le bien-être général des citoyens du Québec.
(Art. 9.1)
Ridicule !
Aucun doute, la Charte québécoise telle que rédigée est
discriminatoire et ne respecte pas les valeurs démocratiques, l’ordre public et
le bien-être général des citoyens du Québec. (Art. 9.1)
Voilà pourquoi le législateur a le devoir
d’en fixer la portée et d’en aménager l’exercice de façon à ce que la religion
ne soit plus au-dessus des lois en étant cette ignoble exception qui permet des
pratiques intolérables à l’endroit des femmes du Québec. »
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