Taïeb Moalla SAGARD – Invité avec femme et enfant,
le président de la Caisse de dépôt et placement du Québec, Michael
Sabia, a passé une fin de semaine aux frais des Desmarais au luxueux
domaine de Sagard, dans Charlevoix, l’été dernier.
Cette « proximité » avec la puissante famille est loin de faire
l’unanimité, notamment auprès d’un ancien président de la Caisse.
M. Sabia et sa petite famille étaient les invités du président et
cochef de la direction de Power Corporation, André Desmarais, au cours
de la fin de semaine des 12, 13 et 14 août.
Sagard est une immense propriété privée sur laquelle se trouvent de
nombreux bâtiments, un golf privé et surtout une immense maison qui
rappelle le Château de Versailles, en France.
Selon nos sources, le commissaire de la Ligue nationale de hockey,
Gary Bettman, était un des convives de ces réjouissances, ainsi que
d’autres personnalités des milieux politique et financier.
Aucune règle violée
À la Caisse de dépôt, le porte-parole, Maxime Chagnon, a insisté pour
dire qu’il s’agissait d’une simple « activité sociale » à laquelle
M. Sabia s’est rendu, en voiture, avec sa femme et sa fille. « Suggérer
autre chose que l’activité sociale serait purement mensonger, a-t-il
dit. Il n’y avait aucun lien avec son travail. »
Mais Jean Campeau, ancien président de la CDPQ de 1980 à 1990, ne
minimise pas l’affaire. « Je n’aurais jamais accepté une telle
invitation, a-t-il commenté. J’ai toujours tâché de garder une certaine
distance avec les grands financiers, même avec Pierre Péladeau, qui
était sur le conseil d’administration de la Caisse de dépôt. »
Selon cet
ancien ministre des Finances de Jacques Parizeau, « un président de la
Caisse a tellement d’influence qu’il doit garder ses distances. Ça
permet d’éviter la proximité. Il ne faut jamais être trop ami avec
quelqu’un ».
Maxime Chagnon jure qu’aucune règle éthique n’a été violée et que
l’indépendance de la Caisse n’est nullement compromise à la suite de
cette invitation.
« Michael n’est pas un moine qui passe son temps à
Saint-Benoît-du-Lac, a-t-il imagé. Il gère 152 milliards $ d’actifs
nets. Il doit entretenir des relations d’affaires avec les milieux
d’affaires et les milieux politiques au Québec et ailleurs. »
Michel Nadeau, de l’Institut sur la gouvernance d’organisations
privées et publiques et ex-vice-président de la Caisse, est plutôt de
cet avis. « Un séjour de deux jours pour la famille de M. Sabia, ça ne
doit pas être déraisonnable. C’est un peu comme si vous alliez dans un
camp de pêche ou un camp de chasse. Je ne vois pas de faux pas », a-t-il
mentionné.
Des questions
Yves Michaud, du Mouvement de défense des actionnaires, n’est pas
d’accord. « Administrer le bas de laine des Québécois, il faut le faire
avec pudeur et retenue, a-t-il tonné. Dans ce cas-là, il n’y a eu ni
pudeur ni retenue. » M. Michaud trace un parallèle avec « [Henri-Paul]
Rousseau, président de la Caisse au moment où 40 milliards $ sont partis
en fumée lors de la grande crise de 2008, devenu vice-président de
Power Corporation quelques semaines après avoir quitté la Caisse ».
Sans surprise, l’essayiste Robin Philpot, auteur du livre « Derrière
l’État Desmarais : Power », croit lui aussi « qu’un dirigeant de la
Caisse doit garder une apparence d’indépendance des gens comme Power
Corporation. Il a un devoir de réserve. La présence de Bettman est
surprenante à moins que les Desmarais aient voulu l’influencer contre un
projet de Quebecor ».
D’après M. Philpot, le « cadeau » fait par les Desmarais à M. Sabia
est de lui permettre de « fréquenter des gens bien et de manger avec les
grands. C’est une question de prestige ».
***
Avec la collaboration de Mario Morissette
Ce que prévoit le code de déontologie
(*Extraits du Code d’éthique et de déontologie des dirigeants et des employés de la Caisse)
Tout
employé doit éviter de donner ou de recevoir quelque cadeau, invitation
à une activité de divertissement, don, service, avantage ou autre
faveur pouvant avoir une influence dans l’exécution de ses rôles et
responsabilités, ou qui serait susceptible de porter préjudice à la
crédibilité de la Caisse.
Tout
employé doit maintenir un haut standard d’indépendance et
d’impartialité et éviter d’être redevable envers qui que ce soit, tant
au niveau des entreprises partenaires qu’au niveau des fournisseurs.
La Caisse et Power Corporation
Quelques
semaines après avoir quitté la présidence de la Caisse de dépôt et
placement, en 2008-2009, Henri-Paul Rousseau est devenu vice-président
du conseil de Power Corporation.
En
avril 2009, Michael Sabia, tout nouveau patron de la Caisse, a
rencontré plusieurs dirigeants du Québec inc. Une controverse avait
éclaté à l’époque, car la réunion au sommet avait eu lieu au siège
social de Power Corporation, à Montréal.
Source: Canoe.com via Vigile.net