22 avril 2016 |Lise Payette | Québec
Il n’y a qu’ici que le mot « référendum » est honni, mis à la poubelle, présenté comme une trahison alors que partout ailleurs, c’est le meilleur moyen de faire vivre la démocratie.
Vivre en démocratie, ce n’est pas aller voter une fois tous les quatre ans après avoir entendu toutes les promesses que des candidats politiciens vont s’engager à réaliser pour votre bien-être à vous, promesses qu’ils ne tiendront pas après avoir été élus. C’est un classique. Pire. Combien de Québécois ne savent même pas qui était Robert Burns ?
Je viens de terminer un livre essentiel consacré à un homme admirable de lucidité, qui est mort beaucoup trop tôt, Robert Burns, dont j’ai partagé les rêves et le cheminement dans son désir de redonner de l’air pur à la démocratie citoyenne, qui battait déjà de l’aile avant 1976.
Le livre est l’oeuvre d’André Larocque, un ami et un proche collaborateur de Robert Burns. Il contient une analyse précieuse du gouvernement Lévesque et, surtout, il permet la transmission de ce qui est resté une oeuvre inachevée : le projet de Burns pour un sauvetage réfléchi de la démocratie québécoise.
Larocque explique clairement qu’il y a bien longtemps que les gouvernements élus au Québec cherchent par tous les moyens à détourner les citoyens et citoyennes de leurs responsabilités en laissant les élus libres de tout décider sans tenir compte de l’opinion publique. De façon délibérée, avant le gouvernement Lévesque aussi bien qu’après, les gouvernements élus ont choisi de ne pas associer les citoyens aux grandes décisions de l’État.
Dans l’équipe de Burns, on découvre d’abord que, depuis 1867, il y a eu plus de 50 référendums tenus au Canada. Par contre, il n’y en a eu qu’un seul tenu au Québec en 1919, et 78,6 % des citoyens ont répondu oui à la question suivante : êtes-vous d’opinion que la vente des bières, cidres et vins légers, tels que définis par la loi, devrait être permise ?
Avouons tout de suite qu’il aurait été difficile de voter non à cette question-là. La peur maladive qui a fait perdre le référendum de 1980 était d’un autre ordre, et il est intéressant de se faire rappeler tout le mal que se sont donné les élus libéraux d’Ottawa pour tasser le Québec. Nous avons si peu de mémoire, nous, les Québécois, que ce livre sur Robert Burns et son héritage est forcément un document inestimable qu’il faut lire et faire lire aux jeunes qui se cherchent des défis qu’ils pourraient trouver ici même au lieu d’aller chercher à l’étranger.
Quand ils auront compris pourquoi la démocratie agonise au Québec, ils retrouveront l’envie de redevenir de vrais citoyens et citoyennes, de cesser d’être des « clients » des partis politiques et des services de l’État, de cesser d’être à la merci ou à la remorque des décisions prises en vase clos par des politiciens épris du pouvoir et des amis du pouvoir qui dirigent sans être élus et qui placent parfois leur précieux argent dans des paradis fiscaux.
Il est encore temps de reprendre le combat de Robert Burns. Il est évident que la démocratie en arrache. Les élus du Parti libéral sont comme des soldats de plomb. Incapables de remplir le rôle de député que la population leur a confié. Ce parti est là depuis si longtemps qu’il a oublié sa raison d’être. Tout le reste est fait de balivernes et d’histoires à dormir debout. Le chef est tout puissant, même dans ses contradictions et ses erreurs. Il domine. Et les citoyens n’ont qu’à bien se tenir.
Les Québécois qui liront ce livre d’André Larocque auront de la peine en réalisant tout ce qui s’est perdu des projets de Lévesque pour sauver notre démocratie et l’apport précieux des citoyens et citoyennes à l’évolution de notre société.
Pour ma part, je suis toujours de près l’utilisation du référendum dans certains pays comme la Suisse — où il y en a plusieurs chaque année, car le gouvernement estime devoir demander au peuple ce qu’il en pense avant d’agir — ou l’Angleterre, où un référendum aura lieu bientôt pour demander aux citoyens s’ils veulent rester ou non membres de l’Europe. J’ai eu le nez collé sur la Catalogne et sur l’Écosse également. J’ai pu réaliser qu’il n’y a qu’ici que le mot « référendum » est honni, mis à la poubelle, présenté comme une trahison alors que partout ailleurs, c’est le meilleur moyen de faire vivre la démocratie. Étrange. C’est sûr que l’ignorance nous étouffe.
J’ai besoin de vous et de votre appui. On continue à parler de la fabuleuse richesse que nous apporteraient les fameux pipelines d’Énergie Est, ceux qui vont traverser le Canada à travers les champs, les fermes et les cours d’eau, petits ou grands. Il semble que les Québécois n’en veulent pas. Que diriez-vous qu’on exige un référendum pour compter les « pour » et les « contre » ? Ce serait enfin clair, et ça nous guérirait peut-être de nos peurs maladives.