« Un peuple qui élit des corrompus, des renégats, des imposteurs, des voleurs et des traîtres n’est pas victime ! Il est complice ». Georges Orwell


vendredi 20 novembre 2015

«On était bien ici avant»

 
Christian Rioux
Correspondant à Paris
Le Devoir
 
Mohamed Annag a près de 70 ans. Cela fait quatre décennies qu’il habite à l’ombre de la basilique de Saint-Denis, ce joyau de l’art gothique où ont été enterrés presque tous les rois de France. Arrivé de Casablanca en 1973 pour une simple visite touristique, il s’est aussitôt fait proposer du travail et des papiers. La France avait alors besoin de travailleurs. En 1977, il s’est donc installé à Saint-Denis, en banlieue nord de Paris, où il a élevé sa famille et fait sa vie. Une vie heureuse, dit-il.
 
Réveillé mercredi par les tirs de l’assaut donné par les policiers sur la petite rue du Corbillon, ce grand vieillard efflanqué ne cesse de répéter : « On était bien ici avant ! » Mais avant quoi au juste ?
 
Avant l’arrivée de l’islamisme ! Car, c’est bien de cela qu’il s’agit et de rien d’autre. Lorsqu’on interroge Mohamed, il explique qu’il a toujours pratiqué sa religion librement, avec la modération dont font généralement preuve les catholiques et les juifs français, sans ostentation et sans prosélytisme excessif. Bref, comme on fait en France depuis la grande réconciliation qu’a représentée l’adoption de la loi de 1905 sur la laïcité.
 
Lorsque Mohamed est arrivé en France, les femmes de Saint-Denis ne portaient pas le voile. À Casablanca non plus, d’ailleurs. Mais, depuis une dizaine d’années, les choses se sont mises à changer. Ceux qu’on surnomme les « barbus » sont arrivés. « Ce ne sont plus les mêmes musulmans », tranche Mohamed.
 
On parle beaucoup de « l’islam de France ». En réalité, cet islam existe. Du moins a-t-il existé. Depuis des décennies, la France abritait un islam paisible et respectueux de ses traditions laïques. Ce n’est plus le cas depuis l’arrivée du salafisme. Si les événements des derniers jours ont une cause, elle est dans cet islam radical que les responsables politiques ont laissé se développer impunément.
 
De même serait-il temps de cesser de peindre les banlieues françaises en ghettos noirs américains. Ceux qui cultivent cette image n’y vont jamais. Ils n’en ont donc que la vision déformée que leur présentent le cinéma et le rap. Certes, il existe des cités délabrées en banlieue où règnent de petits caïds. Mais rien ne peut occulter le fait que l’État a investi depuis vingt ans des milliards dans la rénovation de ces quartiers dits difficiles. La France a plus investi à Clichy-sous-Bois après les émeutes de 2005 que Québec et Ottawa ne le feront jamais à Mégantic malgré le cataclysme que l’on sait. Saint-Denis, une ville en pleine rénovation urbaine, en est d’ailleurs l’exemple. Certes, on y trouve encore des squats comme celui de la rue du Corbillon, mais ils côtoient des HLM de qualité à faire rêver bien des habitants des quartiers pauvres d’Amérique du Nord. 
 
Mais la réalité importe peu au choeur des pleureuses multiculturelles pour qui les islamistes radicaux ne sont que de pauvres hères victimes de la misère sociale la plus abjecte. Le cerveau présumé des attentats de Paris était pourtant issu d’une famille de petits commerçants marocains qui ne vivait pas dans la pauvreté. Abdelhamid Abaaoud avait même fréquenté le collège privé Saint-Pierre à Uccle, une sorte d’Outremont bruxellois. « Notre famille doit tout à ce pays », dit d’ailleurs son père, heureux de vivre en Belgique. Sa cousine Hasna Aitboulahcen, qui se serait fait exploser mercredi à Saint-Denis, était gérante d’une entreprise de maçonnerie à Épinay-sur-Seine. Parmi les kamikazes de vendredi dernier, on trouve un fonctionnaire chauffeur de bus à la RATP et un tenancier de café. Pas vraiment des miséreux.
 
Depuis quand d’ailleurs les pauvres seraient-ils moins vertueux que les bourgeois ? Il ne faut pas confondre la « misère » avec la crise d’identité qui frappe souvent les enfants d’immigrants. C’est elle qui les pousse à se tourner vers cet islamofascisme que l’on a vu à l’oeuvre vendredi dernier. Ce terrorisme n’a rien à voir non plus avec cette islamophobie fantasmée dont on nous rebat les oreilles. En France, depuis une semaine, on a peut-être vu quelques gestes isolés, mais pas l’ombre d’une vague d’islamophobie, autrement appelée « amalgame ». On a plutôt vu un peuple debout capable de faire les nuances nécessaires. Si les Français ne confondent pas les terroristes avec les musulmans, ils ne confondent pas non plus les musulmans qui s’intègrent avec cet islamisme rampant qui sera toujours incompatible avec la France. Un islamisme qui n’a pas sa place dans un pays laïc et démocratique, car, en plaçant l’oumma au-dessus du pays et des lois, il en rejette tous les principes.
 
Si la France a failli quelque part, ce n’est certainement pas en laissant libre cours à la xénophobie. Celle-ci n’y est pas plus présente qu’ailleurs, contrairement à ce que laisse entendre le « french bashing » ambiant. Ce n’est pas non plus faute de mesures sociales pour aider les défavorisés. C’est faute d’avoir su faire respecter ses règles d’intégration et mené la lutte idéologique — un mot que François Hollande ne prononce pas — contre un islamisme incompatible avec la République. Après 40 ans d’une vie paisible en France, voilà ce que Mohamed Annag a vu se dérouler sous ses yeux.

lundi 9 novembre 2015

Radio à Québec: Dominique Payette tape dans le mille

Photo: Jacques Boissinot La Presse canadienne Il suffit par exemple «de faire la file au Centre Vidéotron pour reconnaître les raisonnements spécieux et fallacieux entendus à la radio et recrachés tels quels, sans filtre».
 

Dominique Payette, les constats que vous dressez sur le contenu des émissions des radios de Québec dans votre rapport L’information à Québec : un enjeu capital touchent leur cible. Les réactions des principaux concernés les démasquent une fois de plus : elles sont dignes de voyous de ruelle rompus à l’intimidation. Ils attaquent en bande : « Allez, crient-ils, toute la gang ensemble, on lui pète la gueule ! » Une belle unité stalinienne lie les Fillion, Maurais, Dupont, Napoli, Bouchard, Ségal et Landry, qui n’ont même pas lu votre étude. Le pire est que vos propos sont modérés. Le portrait s’avère en réalité encore plus sombre.
 
La vérité, c’est que les radios de droite à Québec enveniment vraiment le climat social de Québec. J’y ai vécu 38 ans, et les boycotter est inutile, leur fiel s’immisce dans tous les endroits publics, colore toutes les conversations. Il suffit d’écouter les passagers de l’autobus ou la station syntonisée par le chauffeur, de magasiner à Place Laurier ou de faire la file au Centre Vidéotron pour reconnaître les raisonnements spécieux et fallacieux entendus à la radio et recrachés tels quels, sans filtre.
 
Aucun contre-discours
 
La vérité, c’est qu’il n’existe aucun contre-discours crédible sur les ondes de Québec : les droitistes forment un troupeau uni qui monopolise les micros. La vérité, c’est qu’aucun indépendantiste ou « gauchiste » n’a passé le test d’embauche dans ces trois radios depuis des décennies, alors qu’au moins 50 % des gens de Québec partagent ces idées. Sylvain Bouchard peut donc dormir tranquille, il ne perdra jamais sa job.
 
La vérité, c’est qu’à Québec, les clones d’Elvis Gratton ont pris le contrôle du crachoir et envoient paître systématiquement tous ceux qui ne pensent pas comme eux.
 
La vérité, c’est que ces animateurs sont les émules et les descendants de grand-papa André Arthur, qui a patiemment semé son style empoisonné non seulement à Québec, mais aussi à Saguenay (Myriam Ségal), Montmagny et Rivière-du-Loup (Daniel Saint-Pierre), où il tient chronique.
 
La vérité, c’est que ces animateurs connaissent très bien le poids des mots et les font servir à leurs fins. Connotés négativement : « syndiqué », « séparatiste », « péquiste », « québécois », « francophone », « gauchiste », « intellectuel » et « environnementaliste ». Leurs préférés : « environnementeur » ou « enverdeur ».
 
Connotés positivement : « travailleur non syndiqué », « fédéraliste », « libéral », « canadien », « anglophone », « conservateur », « militaire », « caquiste » et « pétrole ».
 
La vérité, c’est que ces radios sont, sur le plan politique, le bras médiatique des partis fédéralistes de droite. En 2014, c’était le Parti libéral du Québec. En 2015, le Parti conservateur du Canada. Leurs idées sont louangées et leurs élus acclamés, jouissant du privilège d’entrevues mielleuses, complaisantes. Je ne serais d’ailleurs pas surpris qu’on découvre que ces partis les financent en sous-main.
 
Jouer aux victimes
 
La triste vérité, c’est que même quand leurs idées triomphent politiquement, ils continuent à pleurnicher et à jouer aux victimes d’une gauche qui n’a pas plus de pouvoir politique en 2015 qu’elle n’en a eu depuis… Adam et Ève.
 
La vérité, c’est qu’il ne s’agit pas de radios d’opinion, mais de radios à une seule opinion, uniforme. En fait, ils logent à l’enseigne des libertariens. Mais ça, ils ne l’avoueront jamais.
 
La vérité, enfin, c’est que ces radios sont si anglomanes et francophobes qu’on jurerait qu’elles se sentent investies de la mission de formater les Québécois en vue de leur assimilation dans l’Amérique anglophone. Tout ce qui est québécois leur est étranger, leur pue au nez. Ils dénigrent, voire haïssent tout ce qui se crée en français. À l’opposé, leur esprit critique disparaît devant tout ce qui vient de l’Amérique anglophone, dont ils embrassent et étreignent la culture. Bref, pour renchérir sur le propos de Mme Payette, les animateurs de ces radios sont profondément aliénés, et irrémédiablement colonisés. Et même ceux qui voudraient les ignorer doivent subir quotidiennement cet affligeant spectacle.
 
Source: Le Devoir