« Un peuple qui élit des corrompus, des renégats, des imposteurs, des voleurs et des traîtres n’est pas victime ! Il est complice ». Georges Orwell


samedi 27 juin 2015

Le chantage des banques, ou comment devenir marxiste en cinq jours

Photo: Louisa Gouliamaki Agence France-Presse
Des partisans du Parti communiste grec ont tenu une manifestation dans les rues d’Athènes,
vendredi, pour s’opposer à une autre entente de prêt de la part des créanciers du pays.

Francine Pelletier
Le Devoir

« Communiste ? » me lance, sitôt la porte du taxi refermée, l’imposant Athénien derrière le volant.
 
Je déduis de son air bourru que, malgré l’histoire glorieuse du Parti communiste de Grèce (il a été l’échine de la résistance durant l’occupation nazie), il n’apprécie guère le genre.
 
« Euh… socialiste », finis-je par bredouiller, ne me rendant pas compte que je venais de m’allier au parti qui est aujourd’hui entièrement discrédité, le Mouvement socialiste panhellénique (Pasok), qui n’a de socialiste que le nom après avoir été le principal responsable de la vente aux enchères du pays depuis cinq ans. Mais le chauffeur, au moins, semble rassuré.
 
Rien n’est simple dans le lieu de naissance de la démocratie et de la grande tragédie. À quelques jours de l’échéance des pourparlers entre la troïka européenne et la Grèce, la vie suit son cours normal, mais la tension est quand même palpable, comme le démontre l’accueil à rebrousse-poil de notre chauffeur de taxi. D’ailleurs, vendredi, le premier ministre Tsipras a annoncé vouloir soumettre le résultat de ces pourparlers au peuple grec par référendum.
 
Mon caméraman et moi sortons du Resistance Festival 2015, un mouvement de « forces progressistes » qui appelle à la mobilisation grecque et à l’appui international. L’année dernière, l’invité d’honneur était nul autre qu’Alexis Tsipras, alors chef de l’opposition, aujourd’hui premier ministre du pays. Cette année, l’honneur va au vice-président bolivien, Àlvaro García Linera, venu rappeler à ceux qui détiennent « le destin de l’Europe dans [leurs] mains » qu’une autre voie est possible. « Les peuples ne doivent rien au FMI, c’est le FMI qui nous doit quelque chose », dira l’ancien guérillero.
 
Personne sur place n’a besoin d’être convaincu. C’est précisément le refus des « mémorandums » qui explique la popularité croissante de Syriza, passé d’un chétif 4 % en 2004 à 48 % aujourd’hui. La majorité des Grecs en ont soupé des mesures imposées par la « nouvelle Rome », le triumvirat constitué du Fonds monétaire international (FMI), de la Commission européenne (CE) et de la Banque de la commission européenne (BCE).
 
Depuis 2008, la Grèce a vu son PIB chuter de 42 %, le chômage grimper à 27 % (50 % chez les jeunes), son réseau public de radiodiffusion fermer, ses services de santé amputés. La « plus longue récession jamais connue en Europe en temps de paix », selon la Commission pour la vérité sur la dette publique. La dette n’est pas le résultat de dépenses excessives — « restées plus faibles que les dépenses publiques d’autres pays de la zone euro » —, mais un concours de circonstances incluant les taux extrêmement élevés des banques européennes et une augmentation drastique de la dette privée suivant l’adoption de l’euro en 2001.
 
Ce qu’on sait encore moins, c’est que depuis l’élection de Syriza, en janvier dernier, on s’est fait un plaisir de tourner la fourchette dans l’oeil du nouveau gouvernement. Une semaine après l’élection, le chef de la BCE, Mario Draghi, « sans la moindre justification », raconte le journaliste et député européen de Syriza, Stélios Kouloglou, « fermait la principale source de financement des banques grecques, remplacée par l’Emergency Liquidity Assistance (EAL), un dispositif plus coûteux devant être renouvelé chaque semaine ».
 
À noter que 90 % de l’argent prêté à la Grèce revient déjà aux créanciers — « parfois la journée même » —, puisqu’il s’agit du remboursement de la dette. Aussi, l’accord liant le pays de Périclès aux banques européennes l’oblige à respecter le droit anglais, un autre « accroc à sa souveraineté ».
 
Début février, les dix-huit ministres des Finances de la zone euro servaient un ultimatum au dix-neuvième ministre de la Famille européenne, Yanis Varoufakis. Ou bien le gouvernement Syriza appliquait le même programme que ses prédécesseurs, ou il trouvait son financement ailleurs. Il n’en fallait pas plus pour que les rumeurs de la faillite de la Grèce, due à son retrait de la zone euro, partent en trombe.
 
Depuis, la BCE a retenu des fonds illégalement allant jusqu’à les transférer au Luxembourg, « comme si l’on craignait que les Grecs ne se changent en détrousseurs de banques » ; les campagnes diffamatoires dépeignant les dirigeants grecs comme des têtes brûlées ou des enfants irresponsables — « il nous faut des adultes dans la salle », dira fameusement la présidente du FMI, Christine Lagarde — vont bon train.
 
Selon Martine Orange de Mediapart, l’échec du sommet de l’Eurogroupe, le 18 juin, a ouvert la porte à une véritable « stratégie de la terreur » de la part des autorités financières. Reprenant le scénario dressé par Goldman Sachs, peu de temps avant l’élection de Syriza en décembre dernier, on parlera de « situation incontrôlable », de fuite de capitaux, de fermeture de banques, de mise sous tutelle économique et de nouvelles élections. La rumeur d’une panique bancaire aura été « minutieusement entretenue », tout comme la notion d’un gouvernement grec dangereusement irresponsable.
 
Le gouvernement Syriza n’est évidemment pas dupe. « Le gouvernement doit faire face à un coup d’État nouveau genre, affirmait Yanis Varoufakis en avril dernier. Nos assaillants ne sont plus les chars d’assaut, comme en 1967, mais les banques. »
 
Selon Stélios Kouloglou, ce « coup d’État silencieux » n’est pas sans rappeler ce qui s’est passé au Chili au début des années 70. « Faites hurler l’économie », avait ordonné Richard Nixon, avertissant alors tous ceux dans la cour arrière américaine tentés par l’aventure marxiste de bien se tenir. Sous le ciel étoilé d’Athènes, Àlvaro García Linera reprenait la balle au bond, samedi dernier, en affirmant : « L’Europe du Sud est en train de vivre ce qui s’est passé en Amérique du Sud il y a 30 ans. […] On nous avait dit : “Il n’y aura pas d’investissements, pas d’emplois, pas de développement technologique si vous vous entêtez à poursuivre dans la voie socialiste.” » Le très élégant vice-président énumérait ensuite tout ce que la Bolivie a réussi depuis l’élection d’Evo Morales, il y a 10 ans : la gratuité universitaire, les services de base (eau, électricité) désormais garantis comme droits fondamentaux, les droits des autochtones et de l’environnement, pour ne rien dire d’un gouvernement qui perçoit 50 % des profits des banques, 54 % des mines et 86 % du gaz naturel. « Ne les laissez pas vous dire qu’une autre façon de faire n’est pas possible », concluait-il.
 
Seulement, la « souveraineté économique » ne fait pas partie du mandat dont a hérité Alexis Tsipras en janvier dernier. Les gens veulent en finir avec l’austérité tout en restant dans la zone euro. Une mission qui s’avère de plus en plus impossible vu l’intransigeance européenne. Qui des deux parties alors cédera ? Le néolibéralisme pur et dur préconisé par le nouvel empire osera-t-il se montrer plus humain, plus compréhensif envers la Grèce, si ce n’est de peur de la pousser dans les bras de Poutine ? Ou alors, Syriza mettra-t-elle suffisamment d’eau dans son vin au point de perdre son âme et, fort probablement, les prochaines élections ?
 
Les jeux sont ouverts et combien dangereux. Particulièrement pour la Grèce, qui risque de payer, encore une fois, plus qu’elle ne le mérite.

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« Le néolibéralisme pur et dur préconisé par le nouvel empire ...», Francine Pelletier

Vu de même, on comprend parfaitement  par les événements qui déchirent la Grèce présentement, qu'il s'agit rien de moins que la mise en œuvre du Plan poursuivie à la lettre par les  puissants qui contrôlent ce monde.   Au fait,  devons-nous en conclure que votre « nouvel empire » est synonyme de Nouvel Ordre mondial, par hasard? Mais qu'importe, merci, à vous,  madame Pelletier d'écrire les vraies choses.   Pas toutes, mais quand même.

mardi 23 juin 2015

Voter dans le Canada réel




Robert Laplante
L'Action nationale
Mardi 23 juin 2015

C’est fait. Les choses sont claires. Le Parti québécois a son chef. L’homme n’aura guère de répit. Il savait à quoi s’attendre. Il faut espérer que son parti prendra rapidement acte de ce qui s’est enclenché depuis l’annonce de sa candidature et qui s’accélère depuis. La volonté d’éradication, les efforts concertés pour briser notre capacité de cohésion nationale, la dynamique de normalisation de la province vont nous valoir de très durs moments et de sombres manœuvres. Mais ce ne sera pas chose facile de les faire voir, de les faire comprendre pour ensuite les combattre.

Les Québécois ont bien du mal à vivre dans le Canada réel. Ils habitent celui que des élites démissionnaires leur dessinent jour après jour, le pays du rapetissement, du compromis bancal, de la résignation quémandeuse. Libéraux inconditionnels, bonimenteurs à gages chez Gesca ou ailleurs, tâcherons de la politique provinciale et colporteurs de ragots de corridors encombrent l’espace médiatique et sèment une médiocrité qui fait du dégât. Les indépendantistes n’ont plus rien à faire à tenter de brasser ces boues toxiques. Le Québec s’y enlise, rien ne sert de s’imaginer qu’à force de s’agiter les marécages vont se muter en roche mère. Leur Québec est celui de la survivance, de l’adaptation à la vie en état de sous-oxygénation. La représentation qu’ils en donnent distille le consentement à l’impuissance.

Les indépendantistes doivent désormais – à nouveau ? – placer leur combat où il doit être conduit. Le Canada est une maison de fous où nous ne sommes tolérés qu’à titre de locataires malcommodes. Et encore. Comme notre territoire peut être vu comme un verrou stratégique sur les voies de sortie du pétrole sale, notre place et les tensions qu’elle génère depuis toujours ne se joueront plus tant dans les sempiternelles querelles sur la centralisation que sur la neutralisation de notre volonté de faire ce que nous entendons de notre territoire, de notre économie, de nos milieux de vie. C’est du Canada réel qu’il faut sortir, pas de celui qui se donne à penser dans la rhétorique provinciale que nous assènent ceux qui le servent.

Ce Canada réel, c’est celui de notre minorisation définitive et de notre réduction au statut de segment de population à contenir dans une logique de développement périphérique, accessoire. La mobilisation nationale doit reposer sur ce cadre stratégique fondamental. Le travail des indépendantistes ne doit pas se cantonner aux seules activités partisanes, il doit contribuer à raccorder les Québécois avec leur expérience majoritaire, avec la claire conscience que ce statut vital est en cause dans tout débat sur l’avenir collectif et sur les formes aussi bien que le sens à donner à nos institutions, à l’organisation de la vie publique et à l’utilisation de nos ressources. C’est une tâche de recomposition des faits et des perceptions que la logique provinciale sépare, dans le débat comme dans les consciences. C’est une tâche de reconfiguration de la culture et de la conscience politiques.

La logique de minorisation va se déployer en vitesse supérieure à compter de cet été. Les préparatifs de la campagne électorale fédérale vont donner lieu à une formidable production de leurres et de thématiques de diversion. La mise en scène médiatique a déjà façonné un cadre de distorsion du débat dans la manière de rendre compte de l’action du Bloc québécois. En effet, les catégories du récit médiatique sont totalement en phase avec la logique de minorisation. En faisant l’injonction au Bloc d’avoir à justifier son existence par la démonstration de sa pertinence sur l’échiquier électoral, ce récit gomme la catégorie démocratique fondamentale de l’élection à venir. Cette catégorie, c’est celle qui définit la légitimité même de notre existence nationale.

Le Bloc québécois est le seul parti où un électeur québécois peut s’exprimer comme membre de sa nation. C’est le seul cadre partisan où il peut exister autrement qu’en étant une fraction de quelque segment canadian. Les autres partis fédéraux, peu importe leur rhétorique – y compris celle qui, à l’occasion, flirte avec le mot nation pour nous désigner – sont tous des instruments de minorisation. 

Les Québécois n’y sont jamais qu’une bonne pâte à compromis, aux intérêts modelables au gré de ce qui apparaît acceptable à une majorité qui pense son Canada pour elle-même. Rien ne l’illustre mieux que le manège auquel se livre le NPD qui aura mis ces quatre dernières années à profit : ses recrues ont appris toutes les astuces de la restriction mentale, du mensonge par omission et du double langage.

Sur tous les sujets majeurs du débat public au Canada Thomas Mulcair est un exemple pour eux tous : c’est un as du double langage mâtiné d’euphémismes flagorneurs. Sa députation, il la tient dans les cadres étroits de la conduite minoritaire. C’en est pathétique de les voir nous servir avec les trémolos dans la voix les poncifs du Québécois/Canadien dans la référence au « national » comme ils ont appris à désigner ce qui est une évidence pour le Canada. C’est triste de voir ceux-là qui sont sincères bomber le torse et gaspiller leurs talents à tenter de se faire apprécier comme intermédiaires utiles. Le Québec en a tant vu des bonnententistes qui se magasinent sans le savoir déceptions et prix de consolation…

La pertinence du Bloc ? Une question qui n’a de sens que pour ceux-là qui ne veulent pas avoir à faire la preuve que nos intérêts sont mieux servis quand on les confie à une majorité étrangère. Il faut que la prochaine campagne électorale fournisse une occasion d’interpeller les Québécois non pas d’abord sur les programmes des partis fédéraux mais sur la nature du régime. 

Le Canada n’est pas notre maison et le choix des partis « minorisateurs » ne concerne, somme toute, que le choix des décorateurs. Qu’ils se disputent sur les atours de la royauté, sur les vertus du pétrole sale, sur la grandeur militaire ou la couleur des tentures de Rideau Hall, cela ne nous concernera jamais qu’à titre de payeurs contraints, voire de cocus contents.

Ottawa va consacrer des dizaines de milliards au renouvellement de la flotte et le chantier Davie n’a rien d’autre à faire que de licencier. Mais nous allons payer.

Ottawa subventionne l’exploration et l’exploitation du pétrole sale. Nous protestons dans les rues pour le respect des engagements internationaux et nous sommes complices impuissants d’un État voyou. Mais nous allons payer.

Ottawa vogue au secours de l’industrie automobile ontarienne à qui il consacre 11 milliards et laisse sombrer l’industrie forestière québécoise. Mais nous continuons de payer.

Ottawa veut balafrer notre territoire et imposer un pipeline. Mais nous continuons de payer.

Ottawa impose son pont Champlain et nous le fera payer deux fois. Et nous continuons de nous lamenter.

La liste est interminable. Et elle s’allongera encore avec les programmes électoraux. Pour donner une bonne idée de la mesure débile des énormités qu’on nous servira, rien ne vaut la lecture des entrevues qu’accorde Thomas Mulcair qui veut créer un ministère des affaires urbaines pour qu’Ottawa passe par-dessus la tête de notre Assemblée nationale. C’est aussi énorme que l’hypocrisie de son discours sur le pipeline – une bonne affaire en anglais et dans l’Ouest, un dossier à évaluer en français au Québec. 

Cela s’ajoute aux énormités qu’il profère sur le programme « national » de garderies qu’il s’engage à créer alors que la réduction des transferts fédéraux et le fétichisme idéologique des libéraux provinciaux détruisent le nôtre. Quant aux autres qui font carrière au PLC ou au Parti conservateur, ils nous offriront d’autres variantes du répertoire de la double légitimité, tâchant de faire bouger quelques segments de clientèles pour ravir au NPD les sièges qui pourraient leur servir d’alibi pour dire qu’ils parlent pour tous les Canadiens.

Chaque année, nous envoyons 50 milliards de dollars en impôts à Ottawa pour laisser une majorité financer ce qu’elle veut, choisir ce qu’elle veut, et nous placer devant l’obligation de subir ses choix. 

Critiquer le régime, c’est faire comprendre aux Québécoises et aux Québécois qu’il est absurde d’envoyer autant d’argent pour se laisser ligoter, pour se faire imposer des solutions qui ne seront jamais mieux, à la lumière de nos intérêts nationaux, que des compromis inadéquats. Il est inutile et contradictoire d’élire une députation qui n’aura d’autre rôle que de brouiller les cartes en prétendant parler au nom des intérêts du Québec pour mieux se faire commis-voyageur et tenter de nous vendre la politique des autres.

Les indépendantistes sont devant la tâche de reconstituer le mouvement national en commençant par faire valoir l’urgente nécessité d’avoir une conduite cohérente. Cela commence par ne jamais accepter de se laisser réduire au statut de minoritaire. Aucun argument, aucun enjeu d’affaires publiques ne justifient de s’automutiler. NPD, PLC, PC ou Parti Vert sont tous interchangeables à cet égard. Il faut en prendre acte et agir en conséquence.

Le défi des prochaines années ne se résume pas à redonner une position avantageuse aux indépendantistes sur la scène électorale. Il faut que le Québec se constitue en force nationale. Les partis politiques ont un rôle essentiel à jouer dans cette tâche. Mais cela ne suffira pas, il faudra que partout, dans tous les milieux, dans tous les coins et recoins de la société civile chacun, chacune pense et se comporte en plaçant ses repères en phase avec la claire expression de notre intérêt national. Et cela commence par le refus de se comporter et de se laisser définir comme un minoritaire en son propre pays.

Source: Vigile.québec

lundi 15 juin 2015

Le pipeline Énergie Est traverserait 256 cours d’eau du Québec

Photo: Pierre Bona / CCLa conduite secondaire du pipeline de TransCanada qui doit permettre de transporter du pétrole jusqu’à Montréal traversera cinq cours d’eau, dont la rivière des Mille Îles.



Le pipeline Énergie Est risque de devoir traverser pas moins de 256 cours d’eau au Québec, révèle une analyse menée par la Fondation Rivières et obtenue par Le Devoir. Cette première compilation indépendante indique également que plus d’une centaine d’entre eux sont de moyenne ou de grande taille.

La liste des cours d’eau dénombre un total de 70 rivières qui seraient traversées par le pipeline d’un mètre de diamètre. À cela s’ajoutent quelque 185 ruisseaux ainsi que le fleuve Saint-Laurent, selon le tracé préliminaire élaboré par TransCanada.

Ce tracé devrait être modifié au cours des prochains mois, en raison de l’abandon du projet de port de Cacouna et de la possibilité que ce port d’exportation de pétrole des sables bitumineux soit construit ailleurs sur les rives du Saint-Laurent.

La portion du tracé qui va de la frontière ontarienne au secteur de Lévis ne devrait toutefois pas subir de modifications. Cela signifie qu’un total de 1,1 million de barils de pétrole traverseront chaque jour une cinquantaine de rivières dans cette seule portion. Si on ajoute à cela les ruisseaux franchis par le tuyau, on compte au moins 160 cours d’eau.

Parmi ceux-ci, on compte les rivières majeures suivantes : Outaouais, des Mille Îles, des Prairies, Mascouche, L’Assomption, Maskinongé, Yamachiche, Saint-Maurice, Champlain, Batiscan, Sainte-Anne, Portneuf, Chaudière et Etchemin. Sans oublier le fleuve Saint-Laurent. Dans ce cas, le pipeline doit traverser en plein coeur de la réserve naturelle des battures de Saint-Augustin-de-Desmaures.

La conduite secondaire qui doit permettre de transporter du pétrole jusqu’à Montréal traversera cinq cours d’eau, dont la rivière des Mille Îles et la rivière des Prairies. L’autre conduite secondaire vers Lévis traversera elle aussi un total de cinq cours d’eau, dont les rivières Pénin et Etchemin.

Traverses risquées

Une étude commandée l'an dernier par TransCanada et rendue publique par Le Devoir en décembre 2014 révèle par ailleurs que pour la portion du pipeline qui sera construite sur la rive nord du Saint-Laurent, on compte pas moins de 19 cas où le passage d'un cours d'eau se fera dans une zone présentant des risques évidents de glissements de terrain en raison de l'instabilité des rives. L'étude, menée par la firme Golder Associates, conclut en outre que sur la rive sud, la région de Lévis compte un total de six zones où les cours d'eau traversés présentent des risques connus de glissements de terrain.

Dans certains cas, les traversées proposées ont également soulevé des questions quand aux moyens techniques pour les réaliser. C'est le cas du fleuve Saint-Laurent, mais aussi des rivières des Outaouais et Batiscan. Selon ce qu'a indiqué TransCanada plus tôt cette semaine, des travaux doivent d'ailleurs être menés au cours des prochaines semaines, dont des forages, afin de préciser la façon dont le pipeline les traversera.

Pour enfouir un tel tuyau dans le sol au moment de franchir un cours d’eau, il existe trois méthodes. Dans le cas d’un ruisseau, on peut creuser une tranchée et y déposer le tuyau. On peut également réaliser un « forage horizontal directionnel » et y faire passer le tuyau. Dans le cas des grandes rivières et des fleuves, un tunnel en béton peut être construit sous le lit.

Québec fautif


Pour la Fondation Rivières, le gouvernement du Québec manque à ses obligations en matière environnementale dans le dossier des franchissements de cours d’eau. « Les enjeux liés aux constructions en rivière sont multiples et des mesures de sécurité exceptionnelles s’imposent compte tenu des risques et des conséquences qu’aurait un bris de conduite », fait valoir Geneviève Marquis, vice-présidente de l’organisme et spécialiste en hydrologie et dynamiques sédimentaire et morphologique des cours d’eau.
   
Or, affirme-t-elle, la formule retenue pour l’étude du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) ne permettrait pas une évaluation exhaustive des risques. Le gouvernement a en effet décidé de procéder même s’il n’a pas en main d’étude d’impact du promoteur, ce qui est habituellement la façon de faire avec ce type de projet d’envergure.

« Un BAPE dûment mandaté dans le cadre de la procédure réglementaire d’évaluation et d’examen des impacts sur l’environnement aurait obligé le promoteur à soumettre ses méthodes de construction, à répondre aux questions du public et à améliorer la prise de décision du gouvernement québécois quant aux méthodes de construction à être utilisées », souligne Mme Marquis. Ce ne sera pas le cas avec le projet Énergie Est, selon la Fondation Rivières.

En plus des cours d’eau, le pipeline traversera de nombreux secteurs agricoles et le territoire de plusieurs dizaines de municipalités des deux rives du Saint-Laurent. Selon une recension non exhaustive du Devoir, des municipalités régionales de comté (MRC) représentant au moins 75 municipalités rejettent le projet Énergie Est ou exigent une évaluation environnementale du Québec.

Ce pipeline conçu pour répondre aux besoins de l'industrie pétrolière albertaine transportera plus de 400 millions de barils de brut chaque année en territoire québécois, sur une distance d'environ 720 kilomètres. Avec le transport de plus d’un million de barils par jour dès 2020, Énergie Est fera du territoire du Québec un élément clé dans l’exportation du pétrole albertain. Grâce ce projet, le plus important du genre en développement en Amérique du Nord, plus du tiers de la production des sables bitumineux passera en sol québécois d’ici cinq ans.

Source: Le Devoir


mardi 9 juin 2015

Hommage de Jean-Martin Aussant aux funérailles de Jacques Parizeau





Chers Lisette et membres de la famille, Monsieur le Premier Ministre, chers amis.

J’avais d’abord pensé vous entretenir aujourd’hui des avantages économiques d’une approche keynésienne que monsieur Parizeau appréciait, mais je vous parlerai plutôt sur un plan plus personnel. Le premier ministre Jacques Parizeau appartient pour moi à ces géants politiques que peu de nations dans le monde peuvent se targuer d’avoir connus. Il fait partie de ceux qui créent un avant et un après, ceux dont on refuse même d’envisager le départ. Félix Leclerc, un autre de nos géants, dirait qu’il appartient à la courte liste des libérateurs de peuples. Si nous pouvons en être fiers, nous devrons aussi en être dignes.

Lui-même issu d’un peuple dont l’histoire contient traumatismes, doutes et craintes, il incarnait la confiance en soi et la capacité, voire le devoir de gérer ses propres affaires. Toujours en complet, toujours sans complexe, il était pour ainsi dire le « convaincu en chef ». L’assurance de l’homme qui sait où il va et qui est capable d’expliquer pourquoi.

Sa réputation dépassait aisément les frontières du Québec. Je l’ai constaté moi-même lors d’une rencontre avec des gens de la finance à New York il y a quelques années. Un ancien haut placé d’une agence de notation m’avait confié que « Jack » Parizeau, par sa simple présence aux commandes de l’État, donnait de la crédibilité au Québec à l’époque du référendum et qu’il n’y aurait certainement pas eu de décote du Québec en cas de victoire du Oui.

D’ailleurs, si la langue de la finance internationale demeure clairement l’anglais, trois mots de la langue de Molière y sont toutefois devenus communs grâce à la vision de Jacques Parizeau : « Caisse de dépôt ». Cette institution bien de chez nous que tous connaissent et respectent sur les marchés financiers mondiaux.

Jacques Parizeau était ce rare ambidextre, un homme de chiffres qui a du coeur. Fils du 1 %, il a consacré sa vie au 99 %, fort de l’idée que l’argent est un bon serviteur, mais un bien mauvais maître. En survolant sa vie, l’élément qui semble l’avoir le plus guidé toujours, c’est la poursuite d’une certaine justice, ses préoccupations de souverainiste, de social-démocrate, de féministe, d’environnementaliste, toutes s’appuyaient au fond sur un désir de justice, d’équité pour son monde, comme il disait.

D’une tendresse insoupçonnée de prime abord, il avait compris que la seule forme de supériorité pour un homme, c’est la bonté. D’une érudition et d’une curiosité sans fin, je lui faisais parvenir jusqu’à tout récemment des documents techniques comme le budget du Québec ou le rapport annuel de la Caisse de dépôt. Il les épluchait méticuleusement. Les cahiers les plus intéressants pour lui étaient ceux portant la mention de renseignements additionnels, essentiellement constitués de colonnes de chiffres et de graphiques.

Monsieur aimait aller au fond des choses, il adorait la musique et aurait voulu être musicien. Bien qu’il soit plus proche d’un style assez classique, j’avais bien compris encore une fois toute son ouverture d’esprit quand il avait insisté pour que je lui fasse écouter de la musique un peu plus techno que j’avais composée et où la grosse caisse était avouons-le un peu plus présente que chez Vivaldi. Il suivait de façon enjouée le rythme en tapant sur sa jambe et m’avait dit avec son sourire allumé : « Mais c’est très bien, ça, vous voyez que je ne suis pas pudibond. »

L’état de sa collectivité lui importait constamment. Il regrettait de constater que la chose publique courrait le risque de devenir tout sauf publique. Il ne voulait pas que la politique devienne l’art d’empêcher les gens de se mêler de ce qui les regarde. Il appelait de tous ses voeux les projets de société autres que comptables. Son attachement et son vif intérêt pour ce qui vient, pour la jeunesse québécoise, ne se sont jamais démentis. Durant le soulèvement étudiant du printemps 2012, je lui avais mentionné que la génération montante serait probablement plus difficile à gouverner, il m’avait répondu du tac au tac : « Je l’espère bien » […]

Conscient que l’éducation était la clef de tout progrès économique, technologique ou social, Jacques Parizeau était pédagogue jusqu’au bout des doigts. En échangeant avec lui, on avait l’impression d’apprendre même pendant ses silences caractéristiques entre deux phrases parfaites, comme par osmose. Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement, et les mots pour Monsieur arrivaient aisément.

Son sens de l’humour était toujours présent en filigrane, un certain héritage britannique pourrait-on croire. Comme lorsqu’il parlait de sa carte de membre faite en bois pour qu’il ne puisse pas la déchirer ou de son éclat de rire quand il a su que plusieurs militants l’appelaient très affectueusement Yoda, le sage des sages dans la saga de La guerre des étoiles. Il est vrai lorsqu’il était assis et appuyé sur sa canne qu’on l’aurait bien vu brandir une épée laser pour mener son combat contre le côté obscur de la force.

De nombreux monuments dans le monde sont dédiés à des généraux et des présidents qui ont mené d’autres hommes à la guerre à partir de leur officine sécurisée. Jacques Parizeau pour sa part méritera son monument pour avoir construit du beau. Il existe des révolutions pacifiques et tranquilles, il nous l’a bien prouvé, lui le révolutionnaire dans le plus constructif sens du terme. Il mentionnait d’ailleurs que notre Révolution tranquille avait été l’oeuvre d’une poignée d’élus, de fonctionnaires et de poètes. On réalise maintenant qu’il faisait finalement partie de chacun de ces trois groupes.

Pour paraphraser Churchill, qu’il admirait, l’histoire du Québec lui sera favorable puisqu’il l’a écrite lui-même. Et cette histoire n’est pas finie, il nous en reste plusieurs chapitres à écrire collectivement. Celui qui aura plus que quiconque contribué à construire le solage et le premier étage de notre maison commune nous quitte, mais il nous a laissé des plans pour les étages qu’il reste à bâtir. Il souhaitait que nous puissions décider nous-mêmes des règles à mettre en place dans notre maison, que l’on puisse choisir nous-mêmes les éléments de sa décoration et de ses relations avec les autres. En somme, il trouvait futile de tenter d’améliorer les aptitudes d’un voisin, aussi sympathique soit-il, à bien gérer notre maison.

Nos discussions entre économistes portaient souvent sur des concepts plutôt pragmatiques, je ne lui aurai donc jamais dit moi-même ce que le Québec entier ne lui a pas assez dit : « Je vous aime, Monsieur Parizeau. » Vous étiez assurément la personne dont le regard approbateur m’importait le plus, vous me manquerez […]

Et maintenant quoi ? S’il est une chose que son départ devrait amener, c’est la fin des exils, de tous les exils. Qu’ils soient géographiques ou intellectuels, il faut que chacun de nous participe à sa façon dans la construction de cette société pour laquelle il a tant travaillé. L’embellissement de la vie pour ceux qui restent est le plus bel hommage à offrir à celui qui part. « L’avenir dure longtemps », aimait-il à dire. Grâce à lui plus que tout autre, nous savons que nous pourrons le dessiner nous-mêmes, si tant est que ce soit ce que nous désirons comme peuple.

Monsieur le Premier Ministre, Monsieur Parizeau, Monsieur l’Enseignant, j’ai bonne confiance que le Québec entier se joint à moi pour vous dire bon repos et merci pour tout. 


mercredi 3 juin 2015

Scandale à la FIFA: une attaque étasunienne pour déstabiliser la Russie




Finian Cunningham
Informationclearinghouse
sam., 30 mai 2015 17:10 UTC


Le bon vieux dicton : ne pas mélanger politique et sport n'a semble-t-il pas été respecté par les Etats-Unis. En effet, voilà exactement ce que les autorités des États-Unis ont fait durant les arrestations spectaculaires de fonctionnaires cette semaine sur fond d'allégations de fraude autour de la Coupe du monde portant sur 150 millions de dollars. 

La préoccupation ostensible des Etats-Unis est de nettoyer l'image ternie du «beau jeu» au travers d'une opération d'infiltration mondiale, qui a vu l'arrestation de sept membres supérieurs appartenant à la FIFA - la fédération internationale qui organise la Coupe du Monde. 

Mais le véritable objectif de cette agression frontale contre la FIFA, qui a impliqué des perquisitions dans un hôtel cinq étoiles dans la ville suisse de Zurich, semble plus à voir avec un objectif de la politique US afin d'annuler la Coupe du Monde en Russie. Cet objectif doit être vu dans le contexte de l'objectif de Washington pour isoler et déstabiliser Moscou dans une bataille géopolitique en cours qui est actuellement centrée sur l'Ukraine.

La Russie doit accueillir le plus grand tournoi sportif du monde en 2018. L'événement porte un immense prestige pour le pays d'accueil donnant au pays hôte une vision favorable pour des millions de téléspectateurs à travers le monde afin de mettre en valeur une infrastructure moderne et les prouesses nationales. Il y a aussi le «soft power» inestimable qui vient avec la consolidation des relations internationales amicales en accueillant des équipes de football et des supporters de plus de 30 nations. La Russie a déjà profité de ces avantages dans l'organisation réussie des Jeux olympiques d'hiver de 2014 à Sotchi, que les dirigeants occidentaux cherchaient à gâcher en boycottant cet événement et en mettant l'accès sur les droits humains (à noter que les dirigeants occidentaux se taisent quant à l'organisation de la coupe du monde au Qatar, NdT). 

Les plans de la Coupe du Monde en Russie semblent être maintenant ciblés selon un agenda politique. Dans les heures qui ont suivi les arrestations étatsuniennes des officiels de la FIFA à Zurich, la fédération de football a été obligée de déclarer que la prochaine Coupe du Monde en Russie n'est pas en danger d'annulation suites aux réclamations connexes d'actes répréhensibles dans le choix de ce lieu. 

Les responsables russes se sont également déplacés pour démentir toutes les suggestions que le Mondial 2018 serait perturbé par l'enquête US en cours sur la fraude présumée de la FIFA. 


«Je ne vois aucune menace pour la Russie ou de quelconques problèmes», a déclaré Vitaly Mutko, le ministre des sports de Russie, selon un rapport du New York Times


Le porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, Alexander Lukashevich, a fait allusion à la dimension politique de l'enquête étatsunienne, se référant aux arrestations de la FIFA comme «un autre cas d'application extraterritoriale illégale des lois étatsuniennes», ajoutant : «Nous espérons que ces arrestations ne seront en aucun cas utilisées pour ternir l'organisation internationale du football en général et ses décisions ». Ce dernier point est sans aucun doute une référence à la sélection de la Russie par la FIFA en tant que pays hôte pour le tournoi 2018... 

Source: Sott.net