« Un peuple qui élit des corrompus, des renégats, des imposteurs, des voleurs et des traîtres n’est pas victime ! Il est complice ». Georges Orwell


samedi 30 novembre 2013

Un pont contre un pipeline ?

Tout se paye... et cela n’est pas terminé !



Louis LAPOINTE
Billet — Louis Lapointe 
vendredi 29 novembre 2013 

Si nous avions gagné ce référendum en 1995, nous ne parlerions pas du port du foulard dans la fonction publique.

Nous ne parlerions pas davantage du passage du pipeline d’Enbridge à travers le Québec et nous aurions probablement déjà un nouveau pont Champlain.

Dire que l’un n’ira pas sans l’autre est une hypothèse qui a certainement traversé l’esprit de ceux qui se souviennent de 1982 et savent comment fonctionne le Canada lorsqu’il est question du Québec.

Tout se paye... et cela n’est pas terminé !

Le gouvernement fédéral n’entreprendra pas honnêtement le chantier du pont Champlain tant qu’il n’aura pas la certitude que son pipeline ne traversera pas le Québec.

Un euphémisme ?

Comment voulez-vous qu’un gouvernement dans les câbles comme l’est celui de Pauline Marois puisse tenir tête au gouvernement fédéral lorsqu’il n’en a pas les moyens, entre autres parce qu’il n’a pas su manœuvrer politiquement en annonçant un équilibre budgétaire qu’il n’a pas pu atteindre alors qu’il se retrouve finalement avec un déficit prévu de 2.5 milliards pour l’année courante ?

Alors qu’on ne sait toujours pas où va la Caisse de dépôt et placement qui n’a cessé de nous mentir sur sa comptabilité interne depuis le naufrage de 2007 et que rien n’indique que nous l’apprendrons un jour, le présent gouvernement étant aussi cachottier que le précédent, Hydro Québec a été littéralement dépouillée de sa marge de manœuvre au cours des neuf années qu’a duré le régime libéral. Les surplus d‘électricité à forts coûts provenant des filières thermique, éolienne et atomique ainsi que des petits barrages ont gravement grevé Hydro-Québec, si bien qu’on ne peut plus soutenir l’industrie de l’aluminium au même rythme qu’on le faisait jadis.

Nos deux vaisseaux amiraux sont dans un piteux état et ce qui s’en vient n’a rien de réjouissant pour l’avenir du Québec.

Le gouvernement fédéral revient à la charge avec son projet de commission des valeurs mobilières pancanadienne. Un projet qui, lorsqu’il aura enfin reçu l’aval de la Cour suprême, une question de temps, nous le savons tous, achèvera de dépouiller Montréal du peu qui lui reste depuis que la bourse de Montréal est devenue une filiale de Toronto.

L’actuelle stratégie de Pauline Marois n’est pas à la hauteur des défis qui nous attendent.

Alors que l’indépendance était une nécessité dans les années 80 et 90, elle est devenue une urgence nationale en 2013.

Le Québec s’appauvrit à vitesse grand V au sein d’une fédération qui ne lui a jamais autant serré la vis, maintenant qu’il est possible de former des gouvernements majoritaires canadiens sans que le Québec n’y concoure.

Pauline Marois pensait bien gagner des élections automnales en secouant l’épouvantail identitaire. Mais cela n’a pas fonctionné. Les nationalistes mous n’ont pas rallié le PQ sur la question de la charte de la laïcité pendant que les indépendantistes n’ont toujours pas trouvé le moyen d’unir leurs forces.

La mauvaise fortune de Jean Charest à l’occasion du printemps érable aurait dû inspirer Pauline Marois. Gagner des élections en semant la grogne est un pari fort risqué.

Pourtant, le Québec n’a jamais été aussi en péril et cela n’est pas le fait des quelques bouts de chiffons qui excitent la population.

Cela est surtout le résultat du travail d’un gouvernement fédéral qui sait qu’il peut gagner ses prochaines élections en étant intraitable sur tous les fronts à l’égard du Québec.

À chaque fois qu’il aura gain de cause contre le Québec, ce sera des votes de plus dans le reste du Canada.

C’est à se demander si ce gouvernement ne souhaite pas que le pont Champlain soit définitivement fermé à la circulation avant la fin de la construction du nouveau pont qui le remplacera, tant le ressentiment anti-Québec peut lui rapporter gros.

Nul doute que Stephen Harper est beaucoup plus habile que peut l’être Pauline Marois à ce petit jeu.

On le voit bien, manger du Québec unit le reste du Canada, alors que le projet de charte de la laïcité ne réussit qu’à diviser un peu plus le Québec.

Satisfaire les nationalistes mous pour espérer gagner des élections provinciales ne nous donnera pas un pays.

Alors qu’il n’y a jamais eu autant d’urgence à faire l’indépendance, la stratégie de Pauline Marois nous en éloigne de plus en plus.

Jean Martin Aussant l’avait bien compris lorsqu’il disait de son ancienne chef que jamais elle ne ferait l’indépendance.

Pour lui, le combat de l’indépendance devait se livrer sur le terrain de l’économie, pas sur celui de l’identité.

Il n’est donc pas étonnant qu’on ait trouvé le moyen de le rappeler à Londres, laissant Pauline Marois sans opposition crédible pour l’aiguillonner sur la nécessaire indépendance.

Ce qui est dans l’intérêt du Canada est dans l’intérêt de Londres, deux alliés inconditionnels qui ont intérêt à ce que le Québec et l’Écosse ne s’affranchissent pas.

Si la division du Québec renforce le Canada, quel est le véritable objectif de ceux qui dirigent le Québec ?

***
Sur le même sujet :
Le syllogisme identitaire
L’inquiétant silence de Jean St-Gelais
Fermer les yeux
Quitter l’enfer canadien... sans tourner le regard
De la coalition indépendantiste à la gouvernance nationale
Compromis ou compromission ?

Source: Vigile.net

jeudi 28 novembre 2013

Garderie BabyLoup - La Cour autorise le licenciement d’une éducatrice voilée



Christian Rioux
Le Devoir 

Ce n’est pas le premier jugement et probablement pas le dernier. La Cour d’appel de Paris a confirmé mercredi le licenciement en 2008 pour « faute grave » d’une éducatrice portant le voile islamique par la garderie Baby-Loup à Chanteloup-les-Vignes, en banlieue de Paris. Invoquant le fait que « les missions d’éveil et du développement de l’enfant […] sont de nature à justifier des restrictions » à la liberté religieuse, le tribunal a contredit un jugement précédent de la Cour de cassation qui avait conclu à la discrimination religieuse. Les juges ont motivé leur décision en invoquant les « droits de l’enfant » et la protection de« leur liberté de pensée, de conscience et de religion à construire ».

L’affaire qui agite la France depuis des mois ne concerne pas les garderies publiques, ou qui assument des missions dites de service public, puisque dans ces garderies, le port de signes religieux est interdit comme à tous les fonctionnaires. Accueillant des enfants de 50 origines différentes, Baby-Loup est une garderie privée de type associatif qui s’était donné en 1990 un règlement affirmant la « neutralité confessionnelle ».

Photo : Agence France-PresseNatalia Baleato
Sa directrice, Natalia Baleato, ne s’attendait donc pas à une telle saga juridique lorsque, en 2008, elle congédia Fatima Afif, qui, de retour d’un congé de cinq ans, refusait soudain d’enlever son voile au travail. En 2010 et 2011, deux jugements donnèrent raison à la garderie. Jusqu’à ce que, le 19 mars dernier, à la surprise générale, la Cour de cassation infirme la décision pour « discrimination en raison des convictions religieuses ». Selon la Cour, Baby-Loup n’assumait pas une mission de service public et son règlement n’était pas suffisamment précis.

« L’intérêt de l’enfant »

C’est ce jugement que vient de contredire la Cour d’appel de Paris qui déclare au contraire que, dans cette affaire, l’atteinte à la liberté religieuse est justifiée par « un impératif d’intérêt général »dès lors que cette atteinte est « proportionnée ». Les juges ont estimé que, se définissant comme laïque, la crèche pouvait être considérée comme« une entreprise de conviction », comme le sont les garderies privées juives, musulmanes ou catholiques qui édictent leurs propres règlements et où le port de signes religieux est évidemment autorisé.

Cette décision « marquera l’histoire de la laïcité », a déclaré Me Richard Malka, avocat de Natalia Baleato. Pour cette exilée politique chilienne arrivée en France il y a une trentaine d’années, Baby-Loup « n’a jamais mené aucun combat contre aucune religion », mais un combat « pour les enfants ». L’avocat de Fatima Afif, Michel Henry, voit plutôt dans ce jugement l’expression d’une « espèce de populisme » et d’un « courant de pensée qui se sent atteint dans ses racines par la montée du fait religieux ».

samedi 23 novembre 2013

Mégantic : entre incertitude et espoir

@Photo: La Presse

Gérald Fillion
Son blogue


LAC-MÉGANTIC : ENTRE L’INCERTITUDE ET L’ESPOIR
2 REPORTAGES lundi et mardi   (25 et 26 novembre)
RDI économie, 18h30, RDI
Le téléjournal, 21h, RDI
Le téléjournal , 22h, Ici Radio-Canada Télé

***
Quand je suis allé à Lac-Mégantic il y a quelques jours, j’ai voulu prendre le pouls, faire une photo, saisir le moment, l’ambiance. Ne vivant plus dans la région depuis 20 ans, je ne peux pas capter complètement ce qui habite les gens de l’endroit. Mais, j’ai parlé à des gens que je connais, je suis allé voir des gens d’affaires, des décideurs, des connaissances, des amis pour savoir comment ça se passe à Lac-Mégantic un peu plus de 4 mois après la nuit d’enfer du 6 juillet.
Tout est complexe. Depuis que le train de la MMA est venu faucher 47 vies et tout un centre-ville, les citoyens et Lac-Mégantic et leur mairesse Colette Roy-Laroche doivent gérer à tous les jours un quotidien rempli d’incertitudes et d’inquiétudes. Depuis le 6 juillet, il y a eu la mort, la peur, la colère, le deuil. Il y a eu le constat de ce qui reste, ce qui est perdu, ce qui est intact, la réorganisation, les appels aux assureurs, les questions sans réponse, les rencontres multiples, les histoires racontées, racontées encore, les rumeurs, les espoirs, les déceptions.
Mais, restons sur l’espoir. Parce que tout le monde qu’on a rencontré, malgré toutes les critiques, les détresses, les incertitudes, tous espèrent retrouver un semblant de vie normale, un centre-ville actif et joyeux, un accès au lac merveilleux, un milieu de vie accueillant et vivant.
Entre maintenant et plus tard, il faut surmonter tous les obstacles à Lac-Mégantic. Et le plus grand défi, il est là. La tragédie est humaine, environnementale, économique, sociale. Mais, elle est tellement personnelle à chacun qu’il est essentiel que tout le monde s’appuie, s’entraide, se pardonne et de se donne de l’amitié et de l’amour.
Parce que les dollars ne vont pas suffire. Jeudi, le premier ministre du Canada Stephen Harper est venu à la rencontre des Méganticois pour leur dire que le gouvernement fédéral est là et qu’il allait les accompagner dans les prochaines étapes de la décontamination. La dernière chose qui intéresse les gens de l’endroit, c’est les chicanes entre Québec et Ottawa. Jeudi, on a eu l’impression que les deux gouvernements étaient parvenus à surmonter les différents qui alimentent leur relation.
En ce moment, malgré toute la bonne volonté des autorités, il y a des gens qui se cherchent de l’emploi, il y a des commerçants qui ont hâte de retrouver leur commerce, il y a des citoyens qui espèrent un nouveau pôle commercial pour acheter du pain, du vin, des vêtements, pour faire réparer leurs chaussures ou pour sortir et aller prendre une bière ou un bon repas.
La situation économique de plusieurs ménages est difficile. L’argent de la reconstruction est promis et arrivera en temps et lieu. L’argent de la décontamination permettra de remettre la ville en état. Mais, d’ici là, combien le gouvernement peut-il me donner ? se demandent plusieurs. Comment je vais faire pour vivre décemment d’ici à ce que je retrouve un emploi ? Et ma vie, pendant ce temps, elle a l’air de quoi ?
La seule chose que je peux vous dire, c’est qu’il faut s’accrocher. Parce que Mégantic est tout simplement magnifique et magique. Grâce à ses montagnes, grâce à ses étoiles, à ses lacs et surtout… à ses gens.

Source: RDI  

samedi 16 novembre 2013

Sortie de Fatima Houda-Pepin - Là où va le Québec

Josée Boileau
Le Devoir

Fatima Houda-Pepin, libérale convaincue, ne voulait pas parler de la Charte de la laïcité du gouvernement Marois. Pourtant, avec sa sortie, elle touche au coeur du débat, où les prises de position transcendent les repères politiques traditionnels. Ce qui est en cause c’est le Québec de demain, celui qu’un Philippe Couillard est incapable d’envisager parce qu’aveugle, comme tant d’autres, à l’évolution des dernières années.

On imagine le courage qu’il a fallu à Fatima Houda-Pepin pour dénoncer publiquement les propos de son collègue Marc Tanguay, et par ricochet de son chef Philippe Couillard, sur le tchador. Le Parti libéral du Québec, depuis belle lurette, n’est plus un parti où les dissidences s’expriment, et Mme Houda-Pepin n’y a jamais joué les rebelles. Mais sans doute ce courage était-il mâtiné d’exaspération devant la grande banalisation à laquelle le Québec, pétri de l’approche libérale anglo-saxonne, ramène les signes intégristes.

Le chef libéral, vendredi, balayait du revers de la main les craintes de sa députée, certes musulmane, mais surtout grande spécialiste, et grande dénonciatrice, de l’intégrisme islamiste dont elle suit les traces au Québec depuis les années 1980. Pour M. Couillard, le port du tchador est un « problème artificiel créé de toutes pièces » par le projet de charte du gouvernement Marois. Il a ajouté qu’avoir une candidate libérale ainsi vêtue « ne peut pas arriver en pratique », d’abord parce que les femmes qui portent le tchador vivent aussi en retrait de la vie publique, ensuite parce que lui, comme chef, ne l’accepterait pas.

Passons outre que M. Couillard se montrait favorable au tchador il y a encore quelques jours, notons simplement le fait qu’il ne sera pas chef éternellement. Mais là n’est pas le plus important : ce qui compte, c’est la réaction maintes fois entendue dès la commission Bouchard-Taylor et qui se répète maintenant ad nauseam, ce « calmons-nous, ça n’arrivera pas, vous exagérez » et autres « franchement ! ».

Et pourtant, quand la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse avait rendu un avis sur le port du foulard à l’école en 1995, première fois qu’au Québec, on se penchait sur la question, l’affaire concernait 70 adolescentes. Que c’était là phénomène marginal, nous disait-on ! Qu’il suffisait d’être compréhensif, qu’à force le foulard tomberait de lui-même… Voire ! À Montréal, le foulard est maintenant partout, si banalisé qu’on ne s’indigne même pas de le voir sur la tête d’enfants prépubères. En fait à moins de niqab, tout est accepté — et le tour de celui-ci viendra bien puisqu’on en croise de plus en plus à Montréal. Résultat : ce sont ceux qui veulent encadrer, au sein de l’État, le port de symboles religieux qui marquent la stigmatisation des femmes qui se font taxer de discrimination. M. Couillard a encore été implacable à ce sujet vendredi.

À ce rythme, une candidate avec un tchador relève-t-elle donc vraiment de l’impensable ? Non. D’ailleurs, si Mme Houda-Pepin ne s’était pas élevée contre les propos de son collègue, l’acceptation serait déjà intellectuellement faite. Plus concrètement, et le parallèle s’impose, qui aurait cru que des Montréalais éliraient un jour comme conseillère municipale une femme qui, en tant que juive hassidique, refuse de serrer la main des hommes ? Par un curieux revers, cette élection devient un symbole d’ouverture, et tant pis pour la quête, si avancée et si précieuse au Québec, d’un rapport égalitaire entre les hommes et les femmes…

C’est de cette banalisation que nous cause la Charte, et il n’y a rien d’artificiel, ou de partisan, dans les questionnements qu’elle soulève. C’est pourquoi Mme Houda-Pepin, comme nous l’avions aussi écrit pour Maria Mourani au sein du Bloc, devrait pouvoir rester au sein du caucus libéral. Pour discuter à fond.

jeudi 14 novembre 2013

Fatima Houda-Pepin se vide le coeur et plaide pour limiter les droits

Photo : Archives Le DevoirSe disant «sidérée, blessée et choquée» par les déclarations récentes de son collègue Marc Tanguay sur le tchador, Fatima Houda-Pepin a fait parvenir une lettre dans laquelle elle dit ne plus reconnaître son parti.

Québec — La députée libérale Fatima Houda-Pepin refuse de se taire plus longtemps. Elle est en rupture avec la position de son parti sur la laïcité de l'État et a décidé de se vider le coeur, dans un texte transmis en exclusivité à La Presse canadienne, jeudi. ​ 


Se disant «sidérée, blessée et choquée» par les déclarations récentes de son collègue Marc Tanguay sur le tchador, elle a fait parvenir à l'agence une lettre dans laquelle elle se demande s'il faut en conclure que son parti a pris pour modèle d'égalité hommes-femmes des pays comme l'Arabie saoudite et l'Iran.

Mme Houda-Pepin, musulmane d'origine marocaine et depuis longtemps préoccupée par la montée de l'intégrisme, gardait le silence depuis des mois sur la charte des valeurs et refusait toutes les demandes d'entrevue portant sur la position du Parti libéral du Québec (PLQ), qui s'oppose à toute interdiction de porter des signes religieux, quels qu'ils soient, si le visage est découvert.

Dans son texte, véritable coup de gueule, la députée de La Pinière depuis 1994 y affirme que le PLQ doit au contraire accepter de limiter les droits, même fondamentaux, «quand l'intérêt public l'exige», dans ce cas-ci au nom de l'égalité entre hommes et femmes.

Elle donne une perspective historique à sa démarche. Car il y a des précédents, fait valoir la députée, rappelant que le premier ministre Robert Bourassa avait légiféré en faveur des droits collectifs en matière d'affichage commercial, à la fin des années 80, n'hésitant pas à invoquer la clause dérogatoire pour soustraire le Québec aux chartes des droits, québécoise et canadienne.

«Est-il nécessaire de rappeler que le Parti libéral du Québec a déjà limité la liberté d'expression [liberté fondamentale] en matière d'affichage commercial, par voie législative, et qu'il a même eu recours à la clause nonobstant pour soustraire sa loi à la Charte des droits et libertés de la personne du Québec et à la Charte canadienne des droits et libertés? Oui, en démocratie, il est permis d'interdire, quand l'intérêt public l'exige. L'égalité homme-femme est un droit fondamental qui demeure un acquis fragile à l'ère des intégrismes qui caractérise notre siècle. Il faut le protéger et le défendre et non le mettre en péril», écrit-elle dans son brûlot, qui tient en un peu plus d'une page et s'intitule: «Je suis libérale et fédéraliste et je suis contre le tchador à l'Assemblée nationale».

C'est le contenu d'un article de La Presse canadienne diffusé mardi qui a soulevé la colère de la députée, et elle a décidé d'y réagir par écrit. En entrevue, le député libéral porte-parole en matière de laïcité, Marc Tanguay, affirmait que la position du PLQ sur les signes religieux signifiait qu'une femme portant le tchador serait la bienvenue parmi les candidates du PLQ aux prochaines élections. Il ajoutait que, par respect absolu des libertés fondamentales, il se sentirait parfaitement à l'aise de siéger aux côtés d'une députée recouverte d'un tchador.

«C'est la goutte qui a fait déborder le vase», écrit Mme Houda-Pepin, en précisant que jamais cette question du tchador n'avait été soulevée en caucus.

«Est-ce que c'est ça le modèle de l'égalité homme-femme que le Parti libéral du Québec veut maintenant présenter à la face du Québec? Est-ce que les Québécoises ont fait tout ce chemin pour en arriver à prendre comme modèle de l'égalité hommes-femmes celui de l'Arabie saoudite ou de l'Iran des Ayatollahs?», s'interroge la députée, qui dit s'exprimer en son nom personnel.

La belle unanimité du caucus libéral sur cette question, autour du chef Philippe Couillard, est donc désormais chose du passé.

La position actuelle de M. Couillard constitue donc, à ses yeux, une rupture avec l'histoire du Parti libéral, au chapitre de l'avancement des femmes et de la neutralité religieuse de l'État.

«Suis-je encore dans le Parti libéral dont les élites politiques et intellectuelles se sont relayées pendant un siècle, pour mener un combat courageux pour la séparation de l'Église et de l'État au Québec? Suis-je encore au Parti libéral d'Adélard Godbout qui a accordé aux Québécoises le droit de vote et d'éligibilité des femmes, un droit gagné de haute lutte par les suffragettes et les militantes libérales? Suis-je encore au Parti libéral du même Adélard Godbout qui a institué l'école obligatoire forçant les parents de toutes les régions du Québec à scolariser leurs enfants, garçons et filles?», ajoute la députée.

Puis, elle enfonce le clou: «Suis-je encore au Parti libéral du Québec de la Révolution tranquille qui a fait élire la première femme députée à l'Assemblée législative, Marie-Claire Kirkland, qui a mis fin à la tutelle des femmes en faisant adopter la loi sur la capacité juridique de la femme mariée?»

«Quand on connaît la signification du tchador et de sa variante afghane, le tchadri, comment peut-on justifier l'acceptation d'un tel symbole dans ce haut lieu de notre démocratie qu'est l'Assemblée nationale?», poursuit-elle.

Celle qui se bat depuis des années au sein du parti pour qu'il s'oppose plus vigoureusement à l'intégrisme religieux ne peut donc concevoir que le PLQ envisage d'ouvrir ses portes à des candidates pudiquement cachées sous un grand voile noir, symbole de misogynie et d'oppression.

«Je refuse toute dérive vers le relativisme culturel sous couvert de religion, pour légitimer un symbole, comme le tchador, qui est l'expression même de l'oppression des femmes, en plus d'être la signature de l'intégrisme radical», écrit-elle.

Dans sa lettre, elle ne formule aucune demande précise à l'intention de son parti ou de son chef, et n'indique pas comment elle entrevoit la suite des choses.

Ancienne vice-présidente de l'Assemblée nationale, seule députée de confession musulmane, Mme Houda-Pepin prépare un projet de loi pour lutter contre l'intégrisme.

Source: Le Devoir



dimanche 10 novembre 2013

Notes pour une allocution de la chef du Parti Québécois, Pauline Marois, à l'occasion de la clôture du conseil national du Parti Québécois

Photo : Jacques Nadeau Le DevoirLas première ministre Pauline Marois, s'adressant aux membres du Parti québécois.

La version prononcée fait foi.

Quelle belle fin de semaine nous avons eue!
Deux jours pendant lesquels je vous ai vus comme je vous connais, militants du Parti Québécois.
Je vous ai vus studieux, animés de cette curiosité qui vous caractérise. Je vous ai vus désireux d’en apprendre davantage, d’échanger sur vos idées. Je vous ai vus passionnés. Cette passion, c’est la passion du Québec!
Oui, nous avons la passion du Québec. Nous l’aimons tellement, ce territoire immense, nous aimons tellement les gens qui y vivent, que nous caressons pour eux un très grand rêve. Nous voulons que le Québec soit un pays libre et indépendant!
René Lévesque disait qu’on verrait bientôt un nouveau pays apparaître sur la carte.
De fait, si le Québec était un pays, il serait le 18e plus grand du monde. Il serait toujours doté d’un territoire riche en ressources et d’une population parmi les plus scolarisées et les plus créatives du monde.
Il y a onze jours, le 30 octobre dernier, c’était le 18e anniversaire du référendum de 1995. Dix-huit ans depuis que les Québécois auraient pu se dire Oui.
Vous l’avez vu hier avec la présentation de Marcel Leblanc. Le Québec a encore plus les moyens de devenir un pays aujourd’hui qu’en 1995.
  • Le poids de notre dette est moins élevé.
  • Notre cote de crédit s’est améliorée.
  • Notre solde budgétaire également.
  • Les Québécois sont individuellement plus riches.
  • La pauvreté a reculé aussi.
  • Jamais le Québec n’a compté aussi peu de familles sans emploi ou vivant de l’aide sociale.
Bref, nous sommes collectivement plus riches.
Et vous avez sans doute remarqué que la majeure partie de ces avancées sont survenues sous un gouvernement du Parti Québécois.
C’est ça, renforcer le Québec pour en faire un pays!
Si le Québec était un pays, il serait au 19e rang de l’OCDE au chapitre du produit intérieur brut par habitant. C’est un niveau comparable au Royaume-Uni, à la France ou au Japon.
Nous serions 9es quant à la proportion de notre population qui occupe un emploi.
Écoutez, il n’y a pas que moi qui le dis. Jean Charest l’a aussi reconnu à Paris, en 2006 : le Québec a les moyens de devenir souverain!
Moi, je vais plus loin. Je suis convaincue que le Québec aurait pas mal plus de moyens s’il était indépendant.
Vous êtes sans doute nombreux ici à avoir lu l’ouvrage « Un gouvernement de trop », de Stéphane Gobeil. Dans son livre, il présente une analyse minutieuse des comptes publics du Canada, pour vérifier si le Québec en a pour son argent dans la fédération. Sa réponse, c’est que ça nous coûte pas mal cher, de rester dans le Canada.
Rester dans le Canada, ça veut dire continuer à financer un État qui dépense plus chez notre voisin et principal concurrent que dans toutes les autres provinces réunies. En effet, c’est en Ontario que le gouvernement fédéral concentre ses ministères, ses agences et ses centres de recherche. Autant d’organisations qui dépensent en salaires, en biens et en services.
Quand Ottawa investit 10 milliards pour l’industrie de l’auto, il y a 2 milliards qui viennent du Québec. Quand Ottawa donne des contrats de 25 milliards pour la construction de navires à Halifax, 5 milliards viennent de chez nous.
Moi, je dis qu’on serait mieux de garder nos impôts au Québec et de faire nos propres choix, selon nos priorités!
J’entends parfois des gens dire que c’est risqué de faire la souveraineté. Moi, je pense que c’est de rester dans le Canada qui est risqué. C’est risqué d’être soumis aux décisions d’Ottawa. C’est risqué de demeurer dans un pays qui évolue dans une direction opposée à la nôtre.
Ce n’est pas seulement une question d’argent. C’est une question de valeurs. Les exemples sont nombreux.
  • Est-ce qu’on veut laisser Ottawa envoyer nos jeunes en prison?
  • Est-ce qu’on veut les laisser détruire les données du registre des armes à feu, alors que Stéphane Bergeron a recueilli un consensus pour en établir un au Québec?
  • Est-ce que vous pensez qu’on est mieux représenté dans les grandes conférences internationales sur le climat par des conservateurs ou par Yves-François Blanchet?
J’entends parfois des gens dire que les souverainistes parlent trop de constitution et ne s’occupent pas assez d’économie. Vous voulez que je vous en parle, de l’économie? Vous voulez que je vous parle dela volonté du fédéral de créer une commission des valeurs mobilières? Vous voulez que je vous parle de l’effet de leurs décisions dans le dossier de l’assurance-emploi sur l’économie de nos régions?
Quand le gouvernement fédéral se réapproprie la formation de la main-d’œuvre, ça concerne l’économie. Quand le fédéral se traîne les pieds pour remplacer le pont Champlain, principal accès à notre métropole, ça concerne l’économie.
Quand on parle de constitution, on parle d’économie!
La liberté du Québec, c’est une autre chose qui dérange le gouvernement fédéral. De quel droit se mêle-t-il de nos propres choix? Il se permet même une action judiciaire qui vise à nier le droit de la nation québécoise à disposer de son avenir.
Pourtant, tout le monde s’entend là-dessus, au Québec. La démocratie, c’est 50 % + 1!!!
J’aimerais que tous les chefs de parti du Québec se montrent aussi solidaires lorsque vient le temps de défendre nos valeurs.
  • Quand Justin Trudeau, le chef du grand frère fédéral du Parti libéral du Québec, promet de contester la charte, Philippe Couillard appuie.
  • Quand le Parti conservateur, le grand frère fédéral de la CAQ, propose la même chose, François Legault se cache.
  • Quand le NPD, le grand frère fédéral de Québec solidaire, se joint au mouvement, Françoise David s’abstient.
À l’Assemblée nationale, il n’y a que le Parti Québécois qui défend les intérêts du Québec!
Oui, on va défendre le Québec.
Avec Alexandre Cloutier, votre ministre des Affaires intergouvernementales et de la Gouvernance souverainiste, nous sommes à l’offensive. Nous agissons sur tous les fronts.
Nous n’hésitons pas non plus, lorsque ça sert nos intérêts mutuels, à nous concerter avec les autres provinces, comme nous l’avons fait en matière de sécurité des transports et dans le dossier de la main-d’œuvre.
On a vu également que Stephen Harper a choisi de nommer à la Cour suprême un juge de la Cour fédérale, plutôt qu’un juge provenant des cours du Québec.
Nous allons utiliser tous les recours que nous avons pour défendre nos prérogatives.
On talonne le gouvernement fédéral pour qu’il s’active dans le dossier du pont Champlain.
C’est le pont le plus fréquenté au Canada et il a été négligé trop longtemps par Ottawa.
Nous allons continuer d’exiger qu’il soit aménagé pour recevoir notre système de transport léger sur rail,une solution innovatrice de mobilité électrique.
Et, surtout, nous refusons que le fédéral fasse payer au Québec le prix de sa propre inaction. Ottawa doit se montrer équitable envers les Québécois.
Nous n’accepterons pas que le fédéral nous impose un péage sur le nouveau pont!
Vous voyez, les conflits entre Ottawa et Québec, ils sont très nombreux et nous coûtent cher. Pas seulement en argent, en énergie aussi.
Depuis la confédération, combien de temps avons-nous perdu en rondes constitutionnelles, en rencontres fédérales-provinciales, en réunions de fonctionnaires?
Mes amis, le jour où il n’y aura plus de conflits entre le Canada et le Québec, on risque de ne pas le voir de notre vivant. Sauf si on fait le choix qui s’impose. Si on choisit d’en finir avec la chicane et de nous tourner vers l’avenir.
J’ai toujours eu la conviction que les nations québécoise et canadienne s’entendraient mieux si elles étaient deux pays amis plutôt que deux gouvernements rivaux.
La seule solution aux conflits Québec-Ottawa, c’est de choisir de se donner un pays!
C’est notre vision, au Parti Québécois. C’est le projet qui fonde notre engagement politique.
Je suis tout à fait consciente qu’il nous reste du travail à faire pour convaincre nos concitoyens de faire le choix de la souveraineté. Nous y travaillons tous les jours.
Mais il y a une autre chose dont je suis certaine. C’est qu’il y a beaucoup plus de gens au Québec qui se reconnaissent dans notre projet souverainiste que dans le fédéralisme inconditionnel de Philippe Couillard!
Philippe Couillard a adopté la stratégie constitutionnelle de Jean Charest. Une stratégie qui assure que le Québec ne se fasse jamais répondre non, à aucune de ses demandes. Cette stratégie est simple : ça consiste à ne jamais rien demander!
C’est le fédéralisme passif. C’est le fédéralisme de la renonciation.
Quand le fédéral s’en prend aux fonds de travailleurs, Philippe Couillard se tait. Sur la réforme du Sénat, il se cache. Il se dit même d’accord avec l’idée de laisser la perception de nos impôts au fédéral, en autant que ce soit Québec qui gère le formulaire.
C’est d’une mollesse… D’une mollesse radicale!
Nous, notre seule loyauté, elle est connue. Elle va au peuple du Québec.
Le projet que nous lui offrons, c’est de
  • cesser d’être une province pas comme les autres pour devenir un pays comme les autres;
  • de rompre avec la monarchie pour définir nos propres institutions;
  • d’en finir avec le multiculturalisme et de choisir le « mieux vivre-ensemble ».
Oui, mes amis, c’est la route sur laquelle nous marchons. Celle de l’audace.
Nous avons les moyens de le faire.
Nous pouvons faire tout ça, à une condition. Celle de nous dire Oui!
C’est à ça que nous nous consacrons, chaque jour, au gouvernement.
Quand nous sommes arrivés au pouvoir, nous avons dû réparer le Québec. Maintenant, nous renforçons le Québec pour donner confiance aux Québécois. Nous nous donnons les moyens de nos ambitions.
Avec votre travail, avec celui de toute l’équipe du gouvernement du Parti Québécois, nous y arriverons. Au prochain rendez-vous électoral, nous serons majoritaires!
Et, à ce moment-là, nous le verrons enfin apparaître, le pays du Québec.
Ce pays, ce sera le nôtre.
Un pays plus libre. Un pays plus accueillant. Un pays plus fier. Un pays indépendant.
Je vous remercie!

samedi 2 novembre 2013

(1/7) Charte québécoise: Le Québec à la croisée des chemins




Illustration couverture : La Tour de Babel - Pieter Brueghel l'Ancien

Essai sur la Charte des valeurs québécoises

Alexandre Delorimier


Avant-propos


Québécois de souche demeurant en Europe depuis plusieurs années, le seul intérêt qui me pousse aujourd'hui à prendre la plume, ou plus prosaïquement le clavier est la sauvegarde de mon unique patrie : le Québec.

Le débat, souvent passionné, que suscite le projet de "Charte des valeurs québécoises" ne m'a pas laissé indifférent, surtout du fait qu'il semble exister un fort décalage à ce sujet entre le peuple, d'une part, et la ligne éditoriale de la majorité des médias ainsi que des « élites » d'autre part.

Mon point de vue est évidemment un point de vue parmi plusieurs, néanmoins, vivant en Europe depuis suffisamment longtemps pour savoir ce qui attend le Québec de demain, je crois être en mesure de présenter une vision légèrement altérée par le « prisme européen » et donc, disons-le beaucoup moins candide que la plupart des propos répertoriés dans les médias québécois.

En fait, la situation européenne devrait vous inquiéter un peu plus qu'elle semble le faire présentement. L'éthique de conviction (plutôt que l'éthique de responsabilité) et la naïve fierté de son « ouverture sur le Monde » en étant prêt à accepter tout et n'importe quoi sans en mesurer les conséquences afin d'être certain de ne pas ressembler, de près ou de loin, à un « habitant d'Hérouxville », vous assureront regrets et lendemains amers.

Le Québec change, et change très vite. Il y a moins de 10 ans, le mot « accommodement » ne faisait même pas partie du vocabulaire commun et le mot « hijab » pouvait encore être confondu avec un fruit. Ne soyons pas dupe, la charte est avant tout une réponse timide à un phénomène nouveau dans notre société : la présence désormais bien visible de l'Islam et particulièrement de l'Islam intégriste.

La majorité des musulmans viennent au Québec tout simplement pour y vivre et s'y intégrer tout en acceptant de se conformer au modus vivendi québécois, gage d'une intégration réussie.

Malheureusement, comme certains le savent, moins d'un an après la Crise d'octobre 70, Pierre-Elliott Trudeau a fait du Canada le premier pays au Monde à adopter une politique officielle de multiculturalisme. Déterminer ici les raisons ou l'objectif final de l'adoption d'une telle politique serait hors sujet, néanmoins, nous pouvons en mesurer les conséquences. C'est-à-dire que désormais, tout un chacun peut venir au Canada sans vouloir le moins du monde s'y intégrer, ce droit de « non-intégration » étant par ailleurs garanti par la Charte canadienne des Droits et Libertés. 

Et nous voilà donc aujourd'hui avec les prémisses d'un choc civilisationnel contre une minorité d'intégristes qui réclame leurs droits, de la salle de prière à la charia (M. Charles Taylor, de la fameuse Commission, pourra d'ailleurs l'attester, car il a donné son appui à un projet, heureusement refusé, de tribunaux islamiques basés sur la charia en Ontario...) et dont la motivation et le désir de s'intégrer se retrouvent à peu près au même niveau que la fosse des Mariannes. Cette situation n'ira pas en s'améliorant, loin de là.

Le texte qui suit vous permettra, qui sait, soit de conforter votre opinion en faveur de la Charte des valeurs québécoises, ou mieux : de modifier favorablement l'avis que vous en aviez jusqu'à maintenant. Quoi qu'il en soit, vous ne pourrez plus dire à vos enfants : «si j'avais su ...».